Chapitre 66 - ils signèrent la rambarde

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— Non, t’inquiètes pas, j’ai cru voir quelqu’un que j’ai rencontré récemment.

— Ça ne fait que quelques heures qu’on est à New-York et toi tu connais déjà quelqu’un ! se moqua Marc.
Paul ne répondit pas et se contenta de sourire à son ami qui le poussa dans les portes tambours.

Pourtant, on aurait bien dit que c’était…

Marc tendit un bras pour récupérer l’épaule de son ami et ils arrivèrent sur l’artère qui crachait des voitures sur quatre files de front.

L’organisation de leur journée était toute tracée, et comme la maison mère ne leur demanderait pas de compte-rendu, ils prendraient donc du temps pour une petite visite des lieux de légende de Manhattan. Ils se dirigèrent ainsi jusqu’à Grand Central Station pour y admirer l’horloge en opale, un peu plus tard, ils remontèrent sur Times Square et s’attardèrent sur les marches rouges pour y rêvasser et se laisser absorber par les gigantesques écrans aux couleurs criardes. Tout près de là, Marc, à qui Amandine avait remis une longue liste de petites courses à faire pour elle, se rendit dans les allées du Grand Slam. Paul n’avait plus personne à qui ramener un petit souvenir, mais il se prit au jeu, et se laissa aller au milieu des rayons bondés de souvenirs.

Il aurait adoré ramener la fameuse boule à neige dont Emilie faisait collection. Manie un peu kitsch, mais c’était une manie à Elle…

Au beau milieu de la foule, la morosité envahissait Paul jusqu’à ce que Marc surgisse les bras chargés de souvenirs estampillés « I love NY » et fasse renaître un sourire sur le visage de Paul, qui consentit enfin à dépenser quelques billets verts, pour de petites emplettes.

Il chassa ce regain taciturne et s’extasia justement devant des rangées de boules à neige, où l’Empire State Building dominait une statue de la liberté engloutie sous une tempête de neige. Pour Emilie, il choisit une boule.

Saranyù avait bien atterri sur le sol Américain et avait rejoint le même hôtel que sa cible. Paul ne s’était pas trompé.

Les deux hommes au centre de la grosse pomme avaient bien utilisé leur temps et ne s'étaient que peu attardés au salon.

Ils marchaient maintenant le nez au vent sur le Brooklyn Bridge en prenant bien soin de ne pas s’égarer du côté de la piste des vélos. Penchés au-dessus de la circulation, la sonnerie du téléphone de Marc les sortit de leur béatitude.

C’était Olivier qui les informait de la santé défaillante d’Amandine, que le médecin était passé la voir et l’avait arrêtée. Il ne pouvait pas rester seul à la boutique et demandait que Paul rentre au plus vite.

Marc raccrocha et regarda Paul d’un air triste :

— Bon, Amandine est malade, elle est arrêtée. Tu vas devoir repartir pour filer un coup de main à Olivier. Je suis désolé de te péter ton voyage comme ça…

— T’inquiète ! C’était déjà bien cette petite bouffée d’air sur le continent du nouveau monde. Et surtout merci de me l’avoir proposé.

Les deux hommes signèrent la rambarde du Brooklyn Bridge, un des plus anciens ponts suspendus au dessus de l’East River et se promirent d’y revenir un jour.

Ils hélèrent un taxi pour regagner leur hôtel. La voiture jaune se faufila dans les larges artères à sens unique. Le sympathique chauffeur de taxi portoricain, leur fit une petite halte près des endroits incontournables du sud de l’île. A Ground Zero, il leur laissa le temps d’admirer la nouvelle tour érigée tout près des deux disparues et qui nargue le désastreux passé d’encore un peu plus haut.

Tant qu’à être dans le sud de Manhattan, ils demandèrent au taxi de faire le détour par le centre des finances, mais ne s'arrêtèrent pas pour aller toucher les parties porte-bonheur de Chargin Bull près de Wall Street. C'était partie remise…

Pendant que Paul récupérait ses affaires, Marc patientait au bar de l’hôtel.

Il sirotait un whisky de qualité médiocre lorsque son attention se fixa sur une jeune femme qui semblait le dévisager alors qu’elle trempait ses lèvres dans un cognac ambré aux reflets acajou dont les multiples arômes et les notes épicées subtiles semblaient lui ravir le palais.

— Vous parlez français ? se risqua Marc.

—  Et vous ? répondit la femme aux doigts fins et au sourire perfide.

Marc baissa la tête, satisfait de la répartie de la jeune femme.

Il aimait cette façon de minauder qu’avaient certaines femmes. Ces attitudes allumaient en lui un feu que seul le beau sexe était en capacité d’éteindre.

Il remonta sa manche pour consulter sa montre et ajouta :

— Oui… Je parle français. J’ai un ami qui quitte l’hôtel tout à l’heure. On peut se retrouver dès qu’il est parti ?

La femme au décolleté suggestif lui fit face et acquiesçât d’un sourire effronté.

— Je vous attends, dépêchez-vous, ajouta-t-elle, en s’approchant de lui.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant