Chapitre 38 - Fouiner l'appartement

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Le départ inespéré de Fanny lui laissait le champ libre pour fouiner l’appartement.

C’était incroyable qu’elle l’abandonne comme ça chez elle. Cette fille était vraiment bizarre. Qui laisserait ainsi un inconnu chez lui ? Enfin inconnu, ils se connaissaient bien un peu, ils avaient couché ensemble.

Enfin, Paul l’avait surtout « sautée ». Il était rond comme une queue de pelle ce soir là… Ce qui signifiait chez lui qu’il n’en avait rien à faire. Et elle, elle semblait avoir pris ça pour de l’amour ? Elle le croyait sincère, voire amoureux et elle semblait tenir à lui… Ce n’était pas réciproque.

Paul saisit l’opportunité qui se présentait. Il fallait faire vite. Fouiller, être précis, concis, ne pas se disperser.

Il se rua sur le bureau, lequel ne proposait qu’un ordinateur portable fermé, posé bien au centre et un peu trop en évidence, et un pot contenant une dizaine de crayons à papier qui n’avaient jamais encore été utilisés.

L’intérieur des tiroirs n’amenèrent que des interrogations supplémentaires. Le premier tiroir contenait un bloc de papier blanc neuf et le second était vide.

Pour une étudiante, le bureau aurait dû crouler sous les cours griffonnés, les classeurs et les livres. Ce n’était pas le cas.

L’étagère au-dessus du bureau supportait une bonne quinzaine de livres aux tranches multicolores. Paul intercepta un ouvrage au hasard, le feuilleta rapidement pour constater que toutes les pages étaient blanches. Il en récupéra un second, identique. Rien. Ce n’était pas des livres, c’était des pages blanches reliées entre elles. Le tout bien aligné rendait l’ensemble digne d’une photo sortie tout droit d’un catalogue de décoration.

Déçu, et la curiosité piquée au vif, Paul ouvrit la seule porte qui lui dissimulait le reste de l’appartement.
Elle débouchait sur un dégagement offrant deux autres portes. La première s’ouvrit sur des toilettes alors que la seconde donnait accès à la chambre.

Il découvrit au centre de la pièce un grand lit dont le rabat du drap, d’une blancheur éblouissante, s’harmonisait parfaitement avec la couette gris pâle qui cachait les pieds du sommier. La pièce reflétait le calme et la sérénité et les tons pastel et monocordes des murs en confirmaient la perception.

Sur sa droite, la penderie était dissimulée derrière de grandes portes coulissantes. Un rapide coup d’œil derrière celles-ci lui dévoila des vêtements sombres. Tous les mêmes, disposés sur des cintres à équidistance les uns des autres. Un peu à l'écart, le chemisier aux tons chauds qu’elle avait porté un peu plus tôt.

Sur les étagères à côté, des dessous sombres étaient soigneusement pliés. La guêpière qu’elle avait achetée dans l’après midi égayait de ses couleurs vives la plus haute étagère. Il résista au plaisir de se moquer de ses sous-vêtements en ne dépliant pas de culotte qui devait au moins être de la taille d’un drap de lit ! Il devait se concentrer sur la mission et seulement sur celle-ci. Il aurait bien le temps de rire plus tard.

Face à lui, de l'autre côté du lit, un bouquet d'arums blanc était disposé dans un énorme vase, sur une coiffeuse. Un gigantesque poster en noir et blanc habillait toute la tête de lit et représentait un cendrier dans lequel une cigarette se consumait et où des rais alternaient ombres et lumières filtrés par un store vénitien.
Tout cela donnait à ce décorum la touche impersonnelle et « architecte ».

S’il était pourtant bien une pièce dans laquelle les photos ou autres affaires personnelles avaient bien leurs places, c’était bien dans la chambre à coucher. Et cette absence amplifiait le caractère trouble et louche de la propriétaire des lieux.

La porte entre le placard et la coiffeuse permettait d’accéder à la salle de bain. Là enfin, il entrait dans un univers connu. Comme sa propre salle d’eau, après qu’elle ait été envahie par les petits pots, les tubes et les flacons d’Emilie.

Devant lui s’entassaient moult pots de crèmes, de laits, d’huiles, de vaporisateurs de toutes formes et de toutes les couleurs. Il retrouvait ici tout ce qui l’avait surpris lorsqu’Emilie avait emménagé chez lui. Les produits de Fanny ressemblait en tout points aux produits de beauté de n’importe qu’elle autre fille, aux produits d’Emilie… Ce devait vraiment être un truc de filles. Au moins là, le naturel prenait le dessus.
Les minutes passaient et il ne savait plus depuis combien de temps Fanny était partie ; il ne voulait pas se faire surprendre par un retour inopiné. Normalement, il entendrait l'ascenseur, mais il ne valait mieux pas tenter le diable, car cette Fanny semblait en être proche.

Il retourna dans la pièce principale et s'attarda sur l'ordinateur du bureau.

L’appui long sur la touche "start", illumina une tête de mort à l’endroit même où sur d’autres modèles, s’allume une grosse poire.

L'engin éteint, il n'y avait pas prêté attention tout à l'heure, tant le vide des livres l'avait surpris, mais là, certes, c'était la mode des têtes de mort, même les grands couturiers avaient recours à ces impressions sur leurs t-shirts, mais chez Fanny, tout semblait tourner autour de la grande faucheuse. Le thème devenait récurrent. Trop.

Une fois l’ordinateur mis sous tension, l’accès aux dossiers fût bloqué par une têtue case blanche qui n’autorisait l’accès qu’après fourniture d’un mot de passe.

Mince. Qu'est ce que Fanny avait bien pu entrer comme mot de passe. Il essaya son prénom «Fanny», le bip négatif se fit entendre aussitôt. Puis «Gurmeet», même son. Il réfléchit «réquisitionner», «réquisition». Rien. Aucun de ses essais ne s'avérait fructueux.

Il éteint alors l'appareil et parti s'affaler dans le confort moelleux du sofa pour réfléchir.

Il trempa ses lèvres dans le verre de mojito que Fanny lui avait servi un peu plus tôt et alluma la télévision.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant