Chapitre 62 - Sauver leur peau

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Le téléphone de Fanny résonna de cinq coups de trompettes. Rohini patientait à l'autre bout du fil. Saranyù et elle voulaient établir un plan d’attaque, elles n'attendaient que l'aval de Fanny.

Fanny décrocha et quand elle entendit sa sœur au bout du fil, un mauvais pressentiment naquit instantanément.

Fanny avait passé une excellente soirée, elle s'était réveillée le matin dans les bras de Paul et semblait filer le parfait amour. Si ses dévotes de sœurs n'étaient pas aussi machiavéliques, elles auraient du voir qu'ils étaient bien ensembles.

Aujourd'hui, elle n'avait plus envie de causer du tort à cet homme. Elle ne visait qu'une chose c'était le garder tout près d’elle, pour elle toute seule.

Mais Rohini, ferme, parvint à convaincre Fanny sur la nécessité, l’impériosité même, de se voir pour mettre leurs idées en commun. Fanny, docile, finit par accepter un rendez-vous un peu plus tard, elle voulait encore profiter de ce moment hors du temps qu’elle avait passé avec Paul.

Paul rentra de bonne heure de son travail. La reprise bien qu'agréable le replongeait dans un train-train machinal, facile à vivre mais qui l'avait épuisé. Le changement de rythme.

Il passa par son appartement pour y prendre quelques affaires qu'il glissa dans un sac. Un petit sac de voyage bleu marine… Ce fameux petit sac qu'utilisait Emilie lorsqu'elle se rendait à la piscine… Puis il chercha son passeport, il allait en avoir besoin.

Il jeta son bagage sur le siège passager puis fonça à toute allure en direction de la zone où se trouvait le domicile de Fanny.

Fanny était chez elle. Il la trouva soucieuse, l'esprit moins léger qu'à son habitude. Elle semblait préoccupée.

Comment lui annoncer dans ces conditions qu'il allait s'envoler, avec son patron, pendant quelques jours, à New-York.

Mais l'excitation du voyage à venir annihilait son empathie pour l'air songeur qui froissait Fanny. Il ne tergiversa pas et annonça, tout de go, qu'il s'envolait en début de semaine prochaine pour les Etats-Unis, mais pour quelques jours seulement.

Fanny acquiesça à la nouvelle et l'effet qu'appréhendait Paul ne manqua pas de se produire.

Ce n'était pas de la tristesse. C'était autre chose que Paul ne réussissait pas à décoder. Elle semblait contrariée. Mais pas en colère. Chagrinée plutôt.

Paul n'essaya pas d'en savoir plus. Il demanda à Fanny si elle voulait bien lui allumer son ordinateur pour qu'il puisse surfer sur le net pour découvrir un peu le salon auquel il se rendait mais aussi ce qu'ils allaient pouvoir faire dans la ville qui ne dort jamais.

Fanny accéda à sa demande. Elle se dirigea vers le portable. Dès qu'elle eut pressé le bouton "on", Paul reconnut la tête de mort dessinée sur le dessus de la machine qui s'illumina, et le disque dur à l'intérieur vrombit.

Qu'elle facilité ! Pourquoi chercher le compliqué quand tout est si simple. Le temps que le PC se mette en marche, Paul regardait les livres au-dessus du bureau, ceux qu'il savait vides de mots et de phrases et sifflota à l'intention de Fanny, comme pour montrer son éblouissement face à tant d'ouvrages. Il se comportait tout à fait comme une personne qui découvre un intérieur inconnu.

Fanny ne réagit pas. Elle pianota sur son clavier lorsque l'ordinateur bloqua sur le mot de passe.
Paul regretta de ne pas avoir baissé les yeux à ce moment pour tenter de deviner quel était le sésame qui permettait l'ouverture des fichiers.

Lorsque l'environnement Windows apparu, livrant enfin l'accès à l'ensemble des fichiers, elle céda sa place à Paul avec un grand sourire. Il se glissa alors derrière le clavier, étonné qu’elle ne reste pas derrière lui à surveiller sa navigation. Elle lui faisait toute confiance et ne le voyait pas comme une menace potentielle.

Ses premiers clics de souris furent pour le petit renard roux enroulé autour de la planète. Puis il commença ses recherches sur le salon de New-York. La conférence se tenait sur la trente quatrième, en plein Manhattan.

Fanny avait tourné les talons et vaquait à d'autres occupations du côté de la cuisine.

Paul surveillait d'un œil la jeune femme aux fourneaux puis délaissa le web pour visiter les dossiers personnels de Fanny. Il trouva le fameux dossier "Mes documents", qui ne contenait pas grand-chose. Quelques musiques en MP3 et des films, assez anciens.

Un autre dossier contenait des photos de paysages. Il cliquait sur des dossiers au nom révélateur, mais rien n'éclairait ses recherches.

Déçu, il releva la tête en direction de la cuisine. Il se détourna de ses recherches et regardait cette fille vivre. Autant d’ambiguïté dans une seule personne, quel dommage !

Il commençait à apprécier sa présence, sa simplicité, sa gentillesse. Si seulement il n’y avait pas cette part sombre, qu’il n’arrivait décidément pas à décoder. Sans compter que ses fouilles avaient, hélas, encore mis en exergue toute cette étrangeté.

Fanny téléphonait. C'était la première fois qu'il la voyait utiliser son téléphone autrement qu'à travers les SMS.

Fanny écoutait Rohini, qui s’empressait de délivrer le plan démoniaque et morbide qu’elle avait bâti avec Saranyù, pour isoler Paul de son entourage. Plan qui prit des proportions surdimensionnées lorsque Fanny révéla le départ imminent de Paul pour les Etats-Unis.

Pour les deux organisatrices, il n'y avait plus une minute à perdre, elles devaient organiser leur moisson. C’est l’entourage professionnel qui serait d’abord éliminé, puis sa famille.

Les dernières mises au point se feraient le lendemain.
Fanny raccrocha, le cœur gros.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant