Chapitre 11 - Le stratagème fonctionnait

61 10 3
                                    


- Euh, non, rien du tout. Mais, bonjour Paul Carmin... Sa bouche étirée en un sourire forcé resta figée un long moment, comme si elle se moquait de lui.

Sa réponse était bien réfléchie. C'était un signe.



Lorsqu'on fait appel à sa mémoire, en moins d'une fraction de seconde les yeux montent en haut à gauche, à la recherche des souvenirs. C'est un réflexe chez la majorité des gens. Bien sûr, on peut le contrôler, mais il y aura toujours un petit temps de latence. Seul un professionnel du mensonge, et encore, saurait y échapper.

C'est une des premières choses que l'on apprend dans la communication non verbale. Et dans ce domaine là, Paul en connaissait un rayon. Là, elle venait de se trahir. Ses yeux s'étaient posés sur le bas de son visage. Elle mentait. Et en plus elle se jouait de lui.

- Faites un effort, essayez de réfléchir. Parce que je ne me souviens pas que l'on se soit déjà croisé auparavant... tenta Paul.

Fanny ne semblait porter aucun intérêt aux mots que prononçait Paul. Par contre, son apparence paraissait l'intriguer. Elle le couvait des yeux en souriant. Chacun de ses mouvements était contemplé, chaque parole qui s'échappait de sa bouche était bue, son corps tout entier était scruté, inspecté et détaillé morceau par morceau. Elle le dévorait des yeux.

A la voir se comporter de la sorte, Paul ne savait déchiffrer si elle se moquait de lui ou bien si elle l'admirait. Une chose était sûre, elle ne souhaitait pas répondre à ses questions...

Paul entreprit de changer de stratégie.

- Et vous, vous vous appelez comment ? s'entendit-il dire.

- Je m'appelle Fanny, dit-elle, son éternel sourire en place.

Ouf, le stratagème fonctionnait. Ils allaient repartir sur de bonnes bases.

Pour lui répondre, elle consentit à relever la tête et à plonger ses yeux dans ceux de Paul en même temps que son buste ébauchait un mouvement vers lui.

Paul était maintenant tout à fait convaincu qu'elle était plus maline qu'il n'avait pu le croire au début.


En même temps, il se trouvait un peu charmé que cette personne puisse s'intéresser à lui, bien qu'elle n'ait pas la silhouette des filles, qui avaient l'habitude d'attirer son attention. Sa morphologie de grosse femme n'était pas dans les standards de « sa » mode.

- Fannyi-i-i...

Paul fit traîner le "i" espérant que l'invitation à terminer sa phrase en délivrant son nom de famille fonctionne.

Mais non, elle continua à le dévisager, joyeuse. Elle buvait ses paroles, elle contemplait cet homme qui enfin était enclin à s'intéresser à elle.

- Vous m'avez dit Fanny comment ? Insista-t-il.

La jeune femme sortit de son rêve éveillé et daigna enfin répondre à Paul, comme si elle venait de dégainer un flingue.

- Gurmeet, dit-elle comme si son nom ne prêtait pas à mal. Je m'appelle Fanny Gurmeet...

Puis aussitôt son sourire s'éteignit d'un seul coup. Comme si elle réalisait qu'elle en disait trop.

Drôle de nom pensa Paul. Mais il abandonna bien vite cette réflexion qui n'avait pour le moment que peu d'intérêt.

- Votre nom ne me dit rien non plus, articula Paul.

- Effectivement je ne pense pas que l'on se soit déjà rencontré. Mais ce n'est pas pour ça qu'on ne peut pas faire connaissance, s'enjoua Fanny.

Etonné par la rapidité avec laquelle elle venait de lui jeter cette phrase, Paul comprit qu'il tenait une solution pour entrer dans les bonnes grâces de cette étrange femme et de lui extorquer les informations qu'il convoitait.

Il allongea son bras sur le dossier du banc jusque dans le dos de Fanny et, dans le même temps fit glisser ses fesses sur l'assise du banc pour s'approcher de sa proie. Il devait ébranler son assurance. Elle se révélait plus coriace qu'il n'y paraissait. Entrer dans sa bulle pour la déstabiliser. Paul connaissait bien cette technique. Elle fonctionnait à chaque fois. Combien de fois avait-il utilisé ce stratagème avec les filles avant de connaître Emilie et de s'acheter enfin une conduite.

Fanny, consciente que l'homme, qui la fascinait, s'approchait très près d'elle, répondit :

- Et si pour faire connaissance nous dînions ensemble ce soir ?

Yessss ! se dit Paul, même si l'entrée en matière était rodée et bien banale, l'objectif était atteint et l'essentiel était de démasquer le pourquoi de son nom dans le portable de cette inconnue et aussi de comprendre le mystère du mot « Réquisitionner » juste devant son nom. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Ré-qui-si-tion-ner ?
Pourquoi ce mot ?


L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant