chapitre 70 - jet lag

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Il était toujours compliqué pour Paul de quitter sa couette le matin, mais présentement, le manque d’envie et le jet-lag lui fournissaient toutes les meilleures raisons au monde pour rabattre, sur sa tête, l'édredon gonflé de duvet.

Au prix de mille efforts, il réussit à vaincre sa flemme et à rejoindre le bureau.

Olivier avait déjà composé le numéro de Marc quand Paul entra dans l'agence mais raccrocha aussitôt. C’était le milieu de la nuit sur l’autre continent. Il referait une tentative en début d'après midi, l’horaire serait plus adapté…

Effectivement, à plusieurs reprises dans l'après midi, ils composèrent le numéro de Marc, mais celui-ci les envoyait chaque fois vers sa boîte vocale. Tous les appels restaient infructueux. Ces sonneries dans le vide finirent par inquiéter les deux garçons. Marc ne quittait jamais son portable, il était connecté 24/24, c’était une maladie, il ne savait pas vivre loin de son petit appareil électronique.

Les appels répétés et les messages tourmentés eurent tôt fait de saturer la messagerie de Marc.
L'inquiétude à son comble, ils décidèrent de joindre directement l’accueil de l’hôtel.

Une voix souriante, qui malaxait les syllabes avec un fort accent Texan, leur répondit que Marc avait quitté sa chambre, assez tard dans la matinée.

Assez peu surpris par la réponse, l’imagination des deux garçons s’enflamma sur les raisons de son réveil tardif ! Marc était un incorrigible coureur de jupons. Mais être à ce point injoignable maintenait, chez ses collègues, un niveau de préoccupation constant, car il était toutefois anormal qu’il demeure inaccessible au beau milieu de la journée.

Alors que le bolide de Paul filait à toute vitesse en direction de la zone industrielle, il arrêta son bolide devant chez un fleuriste. Il voulait surprendre Fanny chez elle, à l’improviste. Et pour ce faire, il ne pouvait pas débarquer les mains vides.

Au moment de redémarrer, pour rejoindre la ruelle déserte au bas du loft, une douce mélodie remplit l’habitacle.

« And the vision that was planted in my brain still remains within the sound of silence ». Un coup d’œil sur l’écran pour découvrir la tête d’Olivier ! Que se passait-il encore ?

Il décrocha :

— Oui Olivier, qu’est ce qu’il y a ?

— Je suis passé à l’hosto avant de rentrer tout à l’heure. J’ai vu Amandine, elle était avec une copine. Mais elle n'avait pas l’air bien du tout.

— T’as pu voir les infirmières ?

— Non, je n'ai vu personne, sauf la nana qui était avec elle…

— Quelle nana ?

— J'sais pas, je l’avais jamais vue avant. Mais, elle à l’air bizarre cette fille. Je ne saurais pas comment t’expliquer mais elle m’a fait froid dans le dos.

Paul, toujours dans sa voiture, écoutait les dires de son collègue, pendant que les rouages de ses méninges s’emballaient, à la vitesse de la lumière. Certaines pièces du puzzle prénommées "Fanny et ses amies" semblaient se mettre en place.

— Comment tu dis qu'elle était cette fille ?

— Pfff, j’en sais rien, je l’ai pas trop regardée. Tu sais moi les filles… Mais elle avait l'air grand, mince, très mince…

— Et ton impression bizarre, tu peux la décrire ? C’était quoi ? De la gêne ? De la peur ?

— Ben, tu vas te foutre de moi, mais de la peur, on n'en est pas loin.

— Oliv’, t’es où là ?

— Devant l’hosto, dans ma bagnole.

— Bouges pas, attends moi, j’arrive tout de suite.

Paul raccrocha et expédia son Smartphone rejoindre le bouquet de fleurs dans les pieds du passager, sans attendre la réponse d’Olivier. Les cent cinquante chevaux du coupé vrombirent, déroulant la gomme des pneus sur la chaussée.

Olivier prit son mal en patience et replaça son téléphone dans la poche de sa veste. Il étendit son grand corps et bailla longuement alors que ses yeux évaluaient l'emplacement de la chambre de sa collègue, sur la façade du bâtiment. Dans la chambre d'Amandine, la lumière brillait toujours.

Pourquoi Paul ne lui en avait pas dit plus ? Est-ce qu’il connaissait la copine d'Amandine ? Lui aussi avait été mystérieux et énigmatique.

La nuit était bien noire maintenant et les allers et venues des visiteurs se faisaient de plus en plus rares.
Olivier, les yeux rivés sur les portes du hall d’entrée, trafiquait maintenant sa radio, à la recherche d’une chanson qui lui remonterait un peu le moral, quand soudain une silhouette apparut dans les portes automatiques et retint son attention. Longiligne, la fille ressemblait à celle vu, un peu plus tôt, au chevet d’Amandine.

Instinctivement, il sortit son téléphone pour la prendre en photo. Il était bien un peu loin mais tant pis. Au même instant, les phares d'une voiture, qui roulait beaucoup trop vite dans ce parking, l'éblouirent.

Lorsque le véhicule passa à sa hauteur, il reconnut l'Audi de Paul. La seconde qui suivit, son collègue tambourinait comme une furie à la portière de sa voiture.

— Magnes-toi, viens avec moi, il faut rejoindre Amandine au plus vite !

— Olivier s’éjecta et, sans demander son reste, suivit Paul qui courait déjà vers l’entrée.

Dans l’ascenseur, Olivier, qui ne pouvait plus dissimuler son inquiétude, interrogea Paul.

— Qu’est ce qui se passe ? Tu peux m’expliquer maintenant ? C’est qui cette fille ?

— Cette fille, … avec Amandine, … Je crois qu’elle lui veut du mal…

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant