Chapitre 77 - Elle s'écroula sur le sol

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Comme un coupable qui connait sa sentence, elle releva alors les yeux en direction de Yama qui retira son danda au même moment et prononça des mots auxquels elle n'entendait rien, mais dont le ton semblait l’enjoindre à ne pas quitter le Rassemblement immédiatement.

Evidemment, elle était à des années lumières de se douter que Paul était caché dans le fond de la salle et qu’il suivait la scène avec attention.

Dans la tourmente de son avenir qui vacillait, les pupilles de Fanny imploraient son maître, comme si une quelconque bienveillance pouvait naître de cet être cruel. Fanny n’avait jamais remarqué à quel point ses iris dorés renvoyaient la lumière d’une manière si étrange. La peur la traversait de part en part lorsque Yama tourna son gourdin du côté du nœud coulant et en entoura la tête de Fanny avec lenteur.

Elle n'eut pas le temps de se retourner qu’un bruit de chaises renversées résonna au fond de la pièce. La corde serra son cou. Elle sentit sa respiration se bloquer et ses yeux rouler derrière sa tête, puis le manque d’oxygène lui fit perdre connaissance.

Elle s'écroula sur le sol, sans vie.

Pendant ce temps, Yama, penché au-dessus du corps de Fanny, ôtait le cordon de son cou et chuchotait, dans sa langue, près de son oreille. Les deux femmes, qui avaient intercepté Paul, le trainaient derrière elles et l'abandonnèrent aux pieds de Yama, tout près du corps inanimé de la sœur Dhûmornâ.

Yama termina son oraison au-dessus de la dépouille de Fanny, puis jeta sa mantille bleu nuit sur Paul et entama, à l’attention du nouvel arrivant, un monologue incompréhensible.


Le dysfonctionnement du logiciel avait déjà interpelé Swarga. Lors du précédant Rassemblement, il avait demandé à Yama de ré introniser toutes ses recrues, sans tenir compte des erreurs commises. Mais des ombres planaient au-dessus de cette décision et quelques cas suspects avaient été étudiés. Fanny était une de ces zones d'ombres.

L'étude de son dossier s’était, finalement, révélée positive.

De sa naissance physique à son intronisation par Yama, la vie de Fanny n’avait été que succession de malheurs. La belle insoumise avait toujours lutté pour sa liberté. Mariée de force à un voisin de son père, elle avait préféré se jeter dans le vide que de subir encore les attouchements de cet époux non désiré. Disciple de Yama, amoureuse d’un humain, elle n’avait pas hésité à braver le courroux de son maître, au péril de sa vie, pour s’offrir une chance de vivre cet amour.

Ce refus de se laisser guider, cette volonté farouche de n’en faire qu’à sa tête, au péril de sa vie, avaient intrigué Swarga. Cette façon d'être avait pesé dans la balance et dans son immense bonté, il avait choisi de redonner à cette jeune rebelle, la possibilité de vivre à nouveau une vie d'humaine.

L'amour que Fanny portait en elle l'avait métamorphosée. Il la mystifiait. Son empathie se ressentait dans ses réquisitions. Son attitude, auprès de ses patients, s’était adoucie au point de ne plus procéder sans prévenance. Ses interventions étaient teintées de compassion et ses clients glissaient, avec douceur, vers la fin de leur vie. Elle avait la capacité de les aider à passer de l’autre côté, sans angoisse et sans tristesse. Cette sollicitude extrême avait ému Swarga et orienté sa décision. De plus, dotée de tant de sentiments, elle ne pouvait plus rester disciple de Yama.

Ainsi était la décision suprême de Swarga, le Dieu des Dieux. Il ne restait à Yama qu'à obtempérer et rendre la vie et sa liberté, à Fanny.

Ce genre de décision ôtait un peu de son aura au maître de la Porte des Ténèbres. Chaque fois qu'il devait se résoudre à laisser une sœur rejoindre le monde des humains, il se sentait relégué ce qui faisait qu’il vouait une haine particulière au maître du monde et ne cherchait qu’une chose : la vengeance.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant