Chapitre 44 - Vous allez me dénoncer ?

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- Dhûmornâ, tu te rends compte de ce qu'il peut se passer si Yama se rend compte de ta manigance ?

- Vous n'allez pas me dénoncer ?

- Ben, non t'es folle ou quoi !

Les deux adeptes drapées dans leur robe de soirée s'étaient concertées. Elles partageaient la même réflexion et avaient les mêmes appréhensions. Leurs beaux sourires s'étaient changés en une mine inquiète, devant une situation nouvelle et si délicate.

Non, elles ne révéleraient pas le secret de Dhûmornâ. Cela aurait pour effet de les réduire, elles-aussi, en poussière. Yama ne connaît pas la pitié et la délation est synonyme de déchéance immédiate. Mais si Yama venait à apprendre les manipulations interdites auxquelles Fanny s'était livrée, même sans avoir mouchardé, les deux filles seraient certainement détruites. Il n'y avait pas de solution. Le mieux qu'elles pouvaient faire, c'était aider Dhûmornâ.



- Non bien sûr qu'on ne va pas te dénoncer, articula calmement Rohini, en regardant Saranyù comme si elle attendait une nouvelle approbation de la part de sa sœur. L'agrément aux dires de Rohini arriva, mais pas sans s'être fait attendre. Ses pensées transperçaient sur son visage. Non, Saranyù ne voulait pas perdre sa nouvelle vie pour sa sœur qui avait bravé un interdit. Elle regrettait même que cette grosse Dhûmornâ soit venue ici pour les mettre en porte à faux avec leur maître et risquer de compromettre leur magnifique existence, dont elles s'étaient tout à fait bien accommodées et depuis bien des années.



Fanny comprit qu'elle n'emportait pas tous les suffrages et chercha à convaincre Saranyù.

- Mais, Saranyù, tu as déjà été amoureuse, tu ne te rappelles pas ?

- Tu parles, ma vie d'humaine, ça fait longtemps que je l'ai oubliée !

- Tu ne penses qu'à lui, quand ses doigts te touchent tu frissonnes, ça brûle, mais c'est tellement bon. Tu as beaucoup plus mal quand il n'est pas là. La souffrance n'arrive que par le manque... ça ne te rappelles rien ?

- Arrête Dhûmornâ, je crois que tu ne prends pas bien la mesure de ce que tu dis. Tu ne peux pas vivre avec un mortel. Et puis si tu as tué sa petite amie, je ne donne pas cher de ta peau. Il va être furax, tu ne vas jamais entrer dans son monde.

- C'est-à-dire qu'en fait, c'est déjà fait. Il est chez moi en ce moment. Et puis on a déjà fait l'amour. Sans doute, il n'était pas très amoureux de sa petite amie... Ce n'était peut être qu'une passade.



Les deux fidèles aux ordres découvraient une Fanny de plus en plus incroyable, et qu'elles n'avaient jamais soupçonnée. Ce qu'elle leur avait raconté semblait tellement impossible de la part de cette grosse Dhûmornâ trop timide.

Comment une fille comme elle pouvait vivre une histoire d'amour. Alors qu'elles, jolies, grandes, élancées, certes maigres, mais qui avaient une classe bien supérieure à celle de cette pauvre fille, n'attiraient que pour de mauvaises raisons.

Elles savaient mettre les plus beaux hommes dans leurs lits, qu'ils soient en couple ou non, mais jamais aucun n'avait émit le souhait d'aller chez elles, encore moins d'y rester en leur absence !

Tout ce qu'elles vivaient n'était que façade. Il n'y avait jamais de sentiment dans leurs relations. Personne n'était jamais tombé amoureux d'elles. Elles ne vivaient que par procuration. Cette situation leur convenait finalement bien, car cela faisait déjà bien longtemps qu'elles n'avaient plus de sentiments...



De constater que cette Dhûmornâ, qui avait toujours était la risée de tous, parvenait à trouver un humain qui s'intéressait à elle, là, un sentiment germait : la jalousie.



Fanny constatant qu'elle n'obtenait pas gain de cause auprès de ses sœurs puisa tout ce qui lui restait sur le cœur.

- Je suis passée vous voir parce que je voulais votre avis. Je sais bien que je n'aurais jamais dû tomber amoureuse d'un client, je ne sais même pas comment cela est possible. Je sais aussi que désobéir à Yama est comme signer son arrêt de mort. Mais comprenez que moi aujourd'hui je suis heureuse. C'est la première fois de ma vie. Même de ma vie d'avant. Alors, je n'avais pas le choix quand j'ai découvert qu'il était avec une autre femme, ma seule solution était de l'isoler, donc j'ai fait disparaître sa compagne. En venant vous raconter tout ça, je voulais votre avis, des conseils peut-être.

- Des conseils ! Tu en as de bonnes toi ! Tu veux des conseils ? Tue ce type comme Yama te l'a demandé et oublie-le. Fais-toi plaisir, sors, profite de ton argent et de tes prérogatives. Et essaie de ne pas attirer l'attention de Yama sur toi. Et sur nous par la même occasion.



Saranyù avait était tranchante. Elle avait articulé tous ces mots lentement, en même temps qu'elle effectuait des allers-retours dans le living et que les paillettes de sa robe pigmentaient les murs d'étoiles filantes. La fureur qui l'avait envahie était communicative et ne pouvait se dérober.



Rohini prit la parole à son tour.

- Franchement Dhûmornâ comment peux-tu envisager de rester avec un humain. Que se passerait-il s'il apprenait notre existence. Ce serait, ce serait...

Elle laissa traîner sa voix et fixait le sol sans cesser de secouer la tête de gauche à droite ce qui laissait la place à son imagination pour vagabonder sur les horreurs d'une solution de ce genre.



- On nous ordonnerait de tuer tous ceux qui auraient connaissance de notre existence, ce serait...

- Un massacre...

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant