Chapitre 56 - Une attitude "à la Fanny"

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Là, c'était bien une attitude à la Fanny.

Comment ne pas être déconcerté par autant de paradoxes clapis dans un même être. Que ce soient ses agissements, ses réactions, ses comportements, ses attitudes, tout chez elle éveillait l'intrigue.

Chaque fois que Paul pensait en découvrir un peu plus sur la jeune femme, chaque fois ses théories s'effondraient comme un château de cartes. Pourtant cette fille rendait le souvenir d'Emilie plus doux et son absence plus supportable.

A douze heures quarante cinq, Paul attendait déjà la fin des cours et arpentait le bitume devant l'enceinte hospitalière.

Fanny sortit parmi les premiers étudiants, toujours entourée du même groupe qui avait le verbe haut. Elle n'était plus la dernière à s'extraire de la salle comme à l'accoutumée.
Dès qu'elle reconnut la silhouette élancée de Paul, elle abandonna ses nouveaux amis pour se diriger vers lui d'un pas rapide.

— Ça ne fait pas trop longtemps que tu m'attends ? dit-elle ; toujours avec le souci de ne pas lui prendre tout son temps.

— Non, et puis c'est toujours agréable d'attendre quelqu'un qu'on aime… bien. La voix de Paul tanga un peu sur le mot "bien".

Mais il devait un peu insister, pour verrouiller son emprise sur la jeune femme, car il n’était plus trop sûr de lui, ce changement physique, si soudain, lui avait fait perdre quelques certitudes.

—  Merci, j'apprécie le compliment. Tu as vu j'ai encore fais quelques frais et renouvelé un peu ma garde robe... J’ai plein de surprises pour toi ! ajouta-t-elle, toute enjouée à le faire languir.

Pour illustrer ses paroles, Fanny fit un tour sur elle-même, faisant voltiger, sous le nez de Paul, les pans de sa robe aux couleurs vives.

— Oui, je vois ça. Ça te va très bien et il n'y a pas que la robe de jolie d’ailleurs…

Paul suspendit son sourire au résultat obtenu.

Le compliment s'acquittait bien de son office et resserrait les mailles du filet, la manœuvre avait entortillé sa prise et faciliterait la capture. Paul reprenait confiance.

— Tu m'emmènes déjeuner ? ne tarda-t-elle pas à demander, d'une voix entrainante.

— Oui, j'ai réservé dans un petit restaurant, tu m'en diras des nouvelles !

Le temps qu'ils parcoururent les quelques centaines de mètres qui les séparaient du restaurant Fanny ne cessait de discuter. Elle s'intéressait à tout ce qui l'entourait, elle parlait de tout, avait des avis sur tout. Pas un seul sujet ne la laissait de marbre. L’avoir pour converser était enrichissant et sa culture semblait sans limite. Etait-ce dû à sa nouvelle apparence, en tout cas elle était devenue beaucoup plus sûre d'elle et les avis qu'elle énonçait bénéficiaient d'une répartie plus posée, plus aboutie.

Une chose étonnait Paul chaque fois, c'était les dates de l'histoire qu'elle maîtrisait mieux qu'un professeur d'histoire-géo, qui en aurait forcément oubliées quelques unes. Quand elle parlait des deux guerres mondiales, c’était comme si elle les avait vécu.

Le déjeuner était si agréable que les aiguilles du temps laissèrent filer les obligations de chacun. Seul, le parfum de la farandole de mets rares qui rythmaient leur repas les rappelait à leur assiette, que chacun se plut à déguster. Les minutes défilaient à pas de géant. Paul oubliait sa mission. Le savoir de Fanny le fascinait.

Enfin, la conversation vira aux occupations de l'après midi et Fanny proposa un dîner chez elle le soir même. Invitation que Paul accepta, jovial. Il se souvint de sa dernière soirée passée seul chez lui, ne trouvant dans la décoration de son appartement que le souvenir d’Emilie encore trop cuisant de sa disparition.

Elle s'éclipsa un instant jusqu'aux lavabos.

Pendant son absence, Paul regardait la vie autour de lui. Il jouissait de ce moment de bonheur. Son environnement le ravissait. Le temps comme les passants. Il devinait de la bienveillance dans les gestes et les paroles. Il se délectait des humeurs des automobilistes, comme de la courtoisie des taxis. Paul baguenaudait sur un petit nuage.

Ce moment hors du temps était pour lui une récréation apaisante qui lui faisait oublier le malheur qui avait élu domicile dans son cœur.

A son retour, Fanny ouvrit sa chaise et s'excusa d'avoir été un peu longue. Paul atterrit. La réalité reprenait contact. Il n'avait même pas pensé à jeter un petit coup d'œil dans le téléphone portable de son hôte.
D'ailleurs, elle ne l'avait pas touché une seule fois pendant tout le temps du déjeuner.

Cette fille décidemment l'envoûtait.

Il régla l'addition et ils sortirent du restaurant bras dessus, bras dessous.

L'excuse des toilettes avait permit à Fanny de prévenir ses sœurs de la présence de Paul chez elle, le soir même, et qu'elles pourraient passer à son loft.

Du côté de chez Rohini et Saranyù c'était l'euphorie.

Elles allaient enfin faire la connaissance du "fiancé" de la sœur dissidente. Elles ne manqueraient cette rencontre sous aucun prétexte.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant