Chapitre 41 - une coupe pour Dhûmornâ

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Rohini tenait une coupe de champagne rosé entre ses longs doigts fins et parlait fort. Sans attendre la réponse de Fanny, elle lui tourna le dos et repartit en direction du salon, abandonnant à la nouvelle arrivée le soin de refermer la porte derrière elles.

Fanny s'exécuta, repoussa soigneusement la lourde porte et suivi à pas de velours le sillage immédiatement identifiable qui exhalait le parfum de Rohini.

— Tu as vu un peu la chance qu'on a eu, déclama la femme à la robe du soir, d'une voix d'impératrice. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé exactement, mais Yama a dû sérieusement se faire taper sur les doigts pour qu'il nous ré-autorise à procéder aussi vite ! Hein Dhûmornâ ?

Rohini s'adressait à Fanny, sans se retourner et poursuivait son chemin jusqu’au salon.

Fanny ne savait que dire et surtout elle n'osait pas jubiler ainsi que le faisait sa soeur. Car si les deux filles étaient sorties de leur impasse grâce à ce providentiel problème de logiciel, c’était une affaire bien différente pour Fanny. Mais elle était la seule à le savoir.

— Bonjour, Rohini, articula Fanny du bout des lèvres. Oui, ça va merci.

La voix de Fanny était presque inaudible. Elle osait à peine s'avancer jusque dans l'immense salon décoré d'un mobilier contemporain déniché chez les plus grands designers.

— Qu'est ce qui t'amène, ma belle ? s'enquit Rohini, relevant un pan de sa robe avant de s'asseoir et de se
laisser absorber par le gigantesque canapé. Si tu n'as rien de prévu ce soir, vient avec nous on va à l'anniversaire de Vincent Capoivre, enchaîna la belle dans son écrin pourpre.

— Oh non, s'empressa d'articuler Fanny. Merci vous êtes sympa les filles mais je passais juste voir comment vous alliez depuis le Rassemblement.

— Allez ! Viens avec nous, on a réservé un jet chez Ouijet, on décolle à vingt heures précises du le tarmac de Saint Laurent.

— Ça te sortira un peu… ironisa Saranyù, qui se tenait derrière Fanny et observait la scène depuis déjà un petit moment.

Saranyù était elle aussi vêtue d’une robe du soir en lamé qui renvoyait des éclats de lumière partout sur les murs du salon, rendant les murs comme incrustés de pierres précieuses.

— C'est sympa de ta part de t'inquiéter. On va bien, on va même très bien. On a repris le cours de notre vie... Fêtons ça. Et elle leva au dessus de sa tête, à l'attention de ses deux sœurs, la coupe de champagne qu'elle avait dans la main.

Saranyù affichait un sourire qui lui barrait le visage. Fondant sur Fanny, elle la pressait d'entrer davantage dans le salon.

— Notre vie… Oui, renchéri Fanny, l'air pensif.

Contrairement aux deux autres, elle essayait d’afficher un sourire, mais trop triste il ne réussissait pas à cacher à quel point elle était mal à l'aise et se sentait fautive.

— Que t'arrive-t-il Dhûmornâ ? T'as pas pour habitude d'être très gaie mais là tu dépasses les limites. Qu'est ce que tu as ? questionna Saranyù.

— Je sais pas si je peux vous en parler et en plus je vois bien que ce n'est pas le moment. Vous êtes magnifiques dans vos robes du soir, je ne voudrais pas vous mettre en retard.

— Bien sûr que tu peux nous parler. On est alliées Viens assis-toi là. On t’écoute, de quoi veux-tu nous parler ?

Rohini encouragea Fanny à se laisser aller sur le cuir de buffle satiné du canapé.

— Saranyù ! Amène une coupe pour Dhûmornâ, s'il te plaît, ajouta-t-elle.

Tout en commandant la coupe de liquide pétillant et doré, Rohini saisit Fanny par le bras pour cuisiner sa sœur gentiment.
Saranyù rejoignit ses complices dans le salon et tendit à Fanny une flûte remplie de liquide rosé dont de fines bulles remontaient le long du verre.

— Merci Saranyù, répliqua Fanny avec un léger sourire triste et des yeux éteints qui fixaient le plancher.
Saranyù leva les yeux au ciel et souffla avant de relever le fond de sa robe dorée pour s'installer sur le divan, en face des deux ferventes meurtrières.

Rohini, souriante et insouciante, était affalée tout près d'une Fanny qui n'arrivait pas à se détendre, elle lança un regard froid à Saranyù avant de s'adresser à nouveau à Fanny.

— Allez ! lâcha Rohini, dis nous ce qui se passe, peut être qu'on peut t'aider.

Le ton était austère et impératif. Elle fit alors un clin d’œil à Saranyù et, leur verre à la main, fixèrent Fanny, prêtes à boire les paroles que leur jeune sœur allait déballer.

— Je ne sais pas si je peux vous parler de mon problème. C'est très personnel. Et puis...

— A qui d’autre voudrais-tu en parler ? Si nous ne pouvons pas t’aider qui pourra ?

— Vous savez l'histoire de la panne du logiciel, les erreurs que cela a engendrées...

— Tu penses qu'on s'en rappelle ! On fait notre métier mais ce n'est jamais agréable d'avoir à tuer des enfants...

— La panne de  logiciel, pour moi... C'était faux, avoua Fanny du bout des lèvres.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant