Chapitre 82 - Propulsé dans la 4è dimension

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Que se passait-il dans sa vie depuis l'accident d'Emilie ? Il était comme propulsé dans une quatrième dimension où toutes ses connaissances disparaissaient, les unes après les autres. Une dimension parallèle, faite de douleurs et d'anormalités.

Et puis, le nom de son collègue qui apparaissait maintenant sur cet écran. C’était pour le moins déroutant. Car cet affichage lui faisait penser à la longue liste qu’il avait découverte dans le² portable de Fanny. Olivier serait-il lui aussi titulaire d’une de ces listes lugubres. Paul réfuta aussitôt cette idée.

Il referma la tablette et la remis à sa place dans la boîte à gants, il lui poserait la question dès qu'il en aurait l'occasion. Peut-être lui avait-il, à un moment donné, emprunté sa voiture et dans la précipitation oublié sa tablette dans le vide-poche. Mais cela demandait quelques explications.

L'important tout de suite était de savoir comment allait Fanny.

Le bolide traversa la ville, à vive allure, en direction de la zone industrielle.

Paul frappa à la porte de Fanny, mais personne ne répondit. Personne, sauf les étudiants des appartements les plus proches qui, alertés par le ramdam de Paul, sortirent sur le palier pour se plaindre du tapage. Sans tenir compte des protestations, Paul continua à marteler la porte de la jeune étudiante. C'est alors qu'un étudiant, aux cheveux sales et à la tenue négligée, vint lui proposer d'appeler la police s'il ne cessait pas immédiatement son tambourinage.

Ce n'était pas bon signe qu'elle ne réponde pas. Mais si elle n'était pas chez elle et qu'elle ait succombé au taré de la secte, où pouvait-il aller la chercher ?

Il profita d'un temps de réflexion pour passer un petit coup de fil à ses parents. Il n'eut pas le temps d'attendre la première tonalité que Jeanne Carmin décrochait déjà. Elle et son mari étaient partis pour la journée rendre visite à des amis en Auvergne et ne seraient pas de retour avant la nuit. Après quelques minutes de discussion pour ne rien dire, Paul raccrocha, rassuré. Au moins, ils ne risquaient rien tant qu'ils étaient loin de lui. En tout cas l'espérait-il.

Ici, pas de Fanny. C'est déçu et inquiet, qu'il prit la décision de rentrer au Grand Hôtel, le palace de la ville, dans lequel il avait sa chambre. Derrière la banque, une jeune femme, tout sourire, se précipita pour lui tendre sa clé dès qu’il se présenta dans le hall de l’accueil. Il glissa sa carte pour déverrouiller les portes de l'ascenseur et laissa la cabine l'emporter jusqu'à son étage. Quelques secondes plus tard, les portes s’ouvrirent sur une suite constituée d’un grand salon, d’une chambre au lit démesuré, et d’une salle de bain immense.

Il balança les clefs de sa voiture sur la console proche de l’entrée et se laissa tomber dans le grand canapé confortable. Devant lui, il ouvrit le porte document et en sortit la tablette pour vérifier si le nom d’Olivier, découvert un peu plus tôt, figurait toujours sur l'écran.

Effectivement, les mots «Réquisitionner Laublong Olivier » s'étalaient sur tout l'écran en lettres étincelantes.

Il aurait tant aimé que ces mots aient disparu.

Il essaya de manipuler un peu les écrans, mais la tablette était bloquée sur ces mots, impossible de faire quoi que ce soit. Comme si la phrase composait le fond d’écran. Il abandonna l'objet et se dirigea jusque vers la desserte à alcool. Il avait besoin d’un verre. Même, s’il n’était pas forcément sûr qu’il lui éclaircisse les idées. Il saisit la bouteille de Teeling Single Malt et versa une grande rasade dans un verre à forme tulipe, puis, il approcha le verre de ses narines et s’emplit la tête des arômes, que la base large du verre développaient, pour ensuite se concentrer dans le col et mieux les restituer lors de la dégustation. Il bascula le verre d’un coup sec. Le whisky déferla et inonda sa bouche. Il ferma les yeux pour savourer le breuvage aux couleurs d’or liquide, puis déglutit doucement, appréciant chaque note de sherry, de cabernet-sauvignon et de porto madère qui avaient, durant cinq longues années, maturées dans des fûts différents. Il savourait l’instant, tout en regardant passer les voitures deux étages plus bas. La force du Single lui fit écarter les lèvres avant de serrer ses mâchoires, qui dessinèrent une petite fossette sur le côté de sa joue. Il cria de rage. Puis il reposa son verre tout près de la bouteille et répéta, à voix haute, la phrase écrite sur la tablette.

— Réquisitionner Laublong Olivier…

A peine ses paroles eurent-elles raisonnées à ses oreilles, qu'il se retrouva devant l'immeuble où habitait Olivier, son doigt enfoncé sur la sonnette de l’interphone. Il ne pouvait plus attendre, il fallait qu’il pose la question à Olivier. D’autant qu’il aurait été facile pour Olivier de se débarrasser d’Amandine. Les questions se mélangeaient dans sa tête.

Des sensations étranges alourdissaient ses membres. Il se sentait glisser dans un environnement cotonneux qui semblait le protéger de ses ressentiments.

— Qui est-ce ?

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant