Chapitre 79 - Revenu au siècle dernier

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Paul ouvrit les yeux dans un univers irréel.
Était-il en prison ?
Avait-il voyagé dans le temps ou était-il revenu au siècle dernier ?

Allongé sur une couche, dont le matelas était fait de paille, seul un filet de lumière lui permettait tout juste de distinguer ce qui l'entourait. D'un geste brusque, il se redressa, s'assit et scruta ce qu'il prit pour une cellule. Sa cellule. Un bol d'eau sale était posé près de lui, à même le sol, en terre battue. Un seau dans le coin le plus éloigné et le plus sombre de la pièce ne laissait aucun doute à son utilisation.
Dans ce lieu hors du temps, impossible de savoir si la lumière, qui entrait par le soupirail, était naturelle ou électrique.

Son seul souvenir était son entrée dans un bâtiment appartenant à une sorte de secte, puis son interpellation par deux de ses présumés membres. Sans doute s'était-il évanoui, en tout cas, ses geôliers avaient dû l’abandonner et l'enfermer dans cette pièce.
En même temps que son regard balayait cette geôle, ses yeux se posèrent sur la porte. Il bondit sur la poignée. Celle-ci n'était pas fermée à clef, il n'était donc pas prisonnier !
Il n'hésita pas une seconde et sortit sans même vérifier que personne ne venait. Il déboucha, sans méfiance, dans une coursive qui donnait accès à un joli petit jardin, au centre duquel, l’eau claire d’une fontaine jaillissait vers le ciel, comme des petits geysers,  et retombait en cascade dans un bassin de marbre.
Le passage de son cachot sombre à la lumière du jour l'éblouit. Obligé de froncer les sourcils, il dû se protéger les yeux de sa main en visière. Lorsqu’enfin cette luminosité lui permit de découvrir son environnement, il apprécia le lieu et aurait bien aimé prendre le temps de profiter de la sérénité et du calme de cet endroit paisible. Mais sa tranquillité ne pouvait naître ici.
Le porche, au style roman, lui paru pourtant familier. Avant d'ouvrir la porte qui allait lui rendre sa liberté, il remarqua un signe cabalistique étrange sur la clé de voute.

L'effervescence de la rue l'apaisa.
Il avait pu s'échapper sans faire de mauvaise rencontre. Son évasion avait été facile. Comme si on avait voulu le laisser partir…

L'abbaye semblait avoir été désertée de tous ses membres, spécialement pour lui permettre de partir sans croiser personne. Mais il ne voulait pas s'attarder davantage devant ce lieu et partit savourer sa liberté retrouvée plus loin.

Comme un fou, il courut jusqu'à son auto, qu'il retrouva garée à l'endroit même où il l'avait laissée. Il s'assit derrière le volant et démarra aussitôt. Le rugissement des chevaux sous le capot le décrispa. La simplicité de ses gestes, dans cet habitacle rassurant, à la bonne odeur de cuir, réveillait peu à peu son self-control, au hasard des rues qu'il empruntait.

Il apprécia l’embouteillage causé par le jeune permis, qui avait calé au milieu du carrefour et bloquait un bus. Il savourait les traversées de piétons en dehors des passages réservés, et sourit même aux manœuvres improbables qu'une vieille dame entama, pour, sans manière, lui chiper la place de stationnement qu’il convoitait.
Ce retour à la vie ordinaire était une bénédiction.
L’embellie fit enfin son apparition quand il mordit à pleines dents dans un sandwich jambon beurre.

Après cette rapide pause déjeuner, il partit retrouver Olivier qui devait déjà être à la concession depuis le matin.
Il coupa le contact juste devant l’entrée de l’agence.
A l'intérieur, il découvrit son collègue assis sur son fauteuil, les coudes posés sur ses genoux, la tête entre ses mains.

— Salut Oliv’ ça va aujourd'hui ? T'as des news du boss ? dit-il en filant droit à son bureau.
— …
Aucun mot ne pouvait franchir les lèvres d’Olivier.

Olivier était un garçon toujours d'humeur égale, et Paul s'inquiéta de ne pas entendre une de ses réparties farfelue préférée. Il rebroussa chemin jusqu'au bureau d'Olivier.
Lorsque les yeux des deux hommes se croisèrent, Paul compris que la situation était grave. Il reconnut les stigmates de la déformation d'une bouche incapable d’articuler des mots trop rudes.

— C'est Marc... articula difficilement Olivier.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant