Chapitre 30 - Incapable de sentiments

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Fanny se retrouva enfin à l’extérieur de l’appartement de Paul, d’où elle s’était échappée de justesse ! Elle sentait bien qu’il avait été à deux doigts de la mettre dehors. Il ne fallait surtout pas qu’il l’éjecte de sa vie, pas maintenant alors qu’elle commençait à y avoir une petite place. Là, elle avait peut être été un peu trop loin et ça avait failli tourner au vinaigre.

Pourtant, les choses semblaient bien se dérouler. Malgré ce coup de fil qu'elle avait reçu la veille et qui confirmait, si besoin en était, qu’elle n’était pas tout à fait libre de ses mouvements et que son intervention avait été rapportée plus haut, par les sbires de Yama. Sa réussite s’en retrouvait un peu entachée.

Le sermon qui avait suivi, l’obligeait juste, pour l'instant, à reconnaitre que ce n’était pas la bonne personne qui avait été réquisitionnée. Personne ne l'avait encore accusée. Mais, prévenir vaut mieux que guérir. Elle devait trouver une excuse pour le cas où l'affaire irait plus loin. C’était obligatoire pour qu’elle puisse garder Paul pour elle.

Lorsqu’elle avait croisé le regard de Paul, la première fois à l’hôpital, alors qu’elle venait tout juste de découvrir son nom dans son portable, elle l’avait trouvé tellement beau. Il correspondait en tout point à ce qu’elle aimait chez un homme. Tout, en lui, éveillait sa convoitise. Son regard ténébreux, son allure svelte et sportive, la prestance de sa carrure, même les vêtements défraîchis qu’il portait lui allaient si bien. C’était un être magnifique et elle s’enticha de lui immédiatement.

Fanny se pensait vaccinée contre l’amour. Les filles de Yama n’avaient aucun sentiment. Comment alors comment pouvait-elle s’éprendre de son client ? Comment une telle chose avait-elle pu se produire ?

Elle devait être la première à qui cela arrivait.

Aucun précédent donc.

A qui pouvait-elle se confier ? Comment appréhender la situation ?

Dans son milieu, il eut été audacieux, voire stupide, d’annoncer qu’elle avait du désir pour son protégé et pire encore d’avouer qu’elle avait déjà manœuvré pour influencer le déroulement des choses en sa faveur.

Qu’est-ce qui lui était passé par la tête pour se jeter à corps perdu dans un combat qui ne pouvait être que perdu d’avance ? En tout cas le mélange d’interdit, associé aux œillades lancées sur cet homme, avait stimulé ses émotions les plus secrètes et ça, c’était la première fois de sa vie que ça arrivait.

Il faut dire que son profil n’était pas conforme, elle était grosse alors que toutes les autres disciples qu’elle côtoyait lors des Rassemblements, étaient filiformes, hâves, décharnées même. Mais c’est ainsi qu’elles plaisaient.

Elle, avec sa corpulence hors norme, elle avait du mal à passer inaperçue. Et en cela elle était peu appréciée.
C’était une situation coutumière pour elle, car même dans ses cours à la fac, les autres élèves cherchaient rarement à l’intégrer à leur groupe, et s’ils le faisaient c’est qu’ils attendaient quelque chose d’elle en retour. Fanny avait prit l’habitude de tout faire pour se dissimuler autant qu’elle le pouvait, ses vêtements en étaient la preuve, elle les choisissait toujours ternes, dans les tons de gris, de noir alors que les membres de sa confrérie se pavanaient dans des couleurs claires et gaies. Le rouge, le jaune ou le vert ne les effrayait pas.
Au contraire, elles attiraient plus et effrayaient moins, sans doute.

Elle ne pouvait donc pas crier haut et fort « houhou, j’ai eu le coup de foudre pour un client ». Elle se savait coupable de cet appétit interdit pour cet homme à réquisitionner.

Mais quand elle repensait à la manière dont il avait glissé un baiser dans son cou en soulevant avec une délicatesse infinie ses cheveux le soir où ils avaient dîné ensemble, son excitation s’amplifiait. Depuis ce jour béni —que Yama la pardonne— depuis ce jour béni où Paul était arrivé sur son téléphone, sa vie avait enfin prit une tournure agréable. Elle vivait enfin et ne regrettait absolument pas la forfaiture qu’elle avait commise. Sans compter qu’elle espérait bien mener son projet à bout car maintenant qu’elle avait connu le bonheur dans les bras et dans le lit de Paul sa fringale ne cessait de croître.

Paul était maintenant seul, il pouvait donc être à elle, il fallait qu’elle manœuvre pour lui faire oublier son Emilie.

Mais d’abord, elle devait trouver une explication cohérente pour le prochain Rassemblement, qui allait bientôt avoir lieu, car elle devrait présenter ses paumes devant Yama.

Elle avait mit beaucoup plus de temps, pour se débarrasser d’Emilie, que pour une intervention ordinaire. Un peu comme si quelque chose essayait d’empêcher cette réquisition. Les sbires de Yama, qui veillent au respect des procédures de réquisition, avaient dû flairer l’embrouille, ce qui lui avait valu le récent rappel à l’ordre qui confirmait l’erreur commise.

Elle n’avait qu’un jour avant le Rassemblement pour réfléchir à tout ça.

L'audace du destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant