CHAPITRE 82 (2/3)

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Trente Juin, 17h15, Genève

PDV de Rose :

Je ne sais même plus à quelle heure j'ai quitté l'aéroport. Tout ce que je sais, c'est que mon séjour en Irlande a été terrible. Pas forcément les deux premières semaines, mais du dix au vingt-neuf. J'ai été seule. Plus que seule. J'ai vraiment compris ce qu'a vécu Victoire lorsqu'elle a été viré à cause de Marine, et qu'elle a dû déambuler seule pendant une semaine, avant son accident, à Dijon...

J'essaie de me repérer de nouveau dans une ville qui m'est totalement inconnue. J'avance de plus en plus vite sur la route, slalomant entre les passants. Je veux rentrer ! Je veux les revoir ! Leurs sourires n'ont pas illuminé ma vie et leurs voix n'ont pas bercé mon ouïe durant plus d'un mois. Et là je peux ENFIN les revoir.

Je presse le pas et observe autour de moi, espérant trouver un hôtel au cas où il soit le leur. Je passe sur un pont. Je n'aime pas trop les ponts... J'ai peur de tomber même s'il est sécurisé.

...Attends attends attends...
... Oh...
...
Non non non ! Oh non pitié pas ça !

Quelqu'un enjambe la rambarde du pont sous les yeux. Il se penche, prêt à rejoindre le vide. Mon cœur bât vite. Je cours en sa direction, espérant arriver à temps pour réussir à le faire relativiser puis le sauver.

Mais plus j'avance, plus j'ai peur. Une peur incontrôlée qui pourrait me pousser à faire n'importe quoi s'empare de moi. Mon cœur manque des battements. Mes jambes flageolent et mon monde s'écroule. Tout ça en une seconde. Tout ça parce que je m'approche du suicidaire et que je le vois de plus en plus net.

Tout ça parce que je l'ai reconnu... Cet homme... C'est Mikele. Ses joues brillent. Il pleure. J'étouffe un cri.

J'ai conscience qu'en une seconde, tout peut basculer. Après tout, un petit pas dans le vide ce n'est rien, n'est-ce pas ? Juste un dernier petit effort et c'est fini, non ? Il suffit qu'il avance volontairement son pied. Ou qu'il y ait un coup de vent qui le déstabilise. Ou qu'il y ait un bruit subit et qu'il sursaute. Tout ça et rien que ça suffit à le faire passer d'un monde à l'autre. D'un état à un autre. Rester avec moi... Ou rejoindre Victoire...

Je cours mais manque de tomber plusieurs fois. Je n'ai plus de force pour trouver le courage. J'achève difficilement les derniers pas qui me séparent de lui. Je jette mon sac-à-dos à terre.

Ne rien dire. Surtout ne rien dire. Il pourrait avoir peur et basculer sous le sursaut. Non non non je n'ai pas envie de tester. Je ne veux pas risquer de lui faire perdre sa vie. Je dois rester calme... Souffler, respirer... Je dois rester calme...

J'ancre mes pieds au sol, derrière la rambarde et l'homme que j'aime. J'encercle son torse de mes bras. Il est de dos et doit probablement se demander ce que je fais et qui je suis mais peu m'importe. J'utilise toute ma force pour le bloquer. S'il prend peur, il ne pourra pas basculer, je le tiens trop fermement.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Lui demandé-je avec ma voix tressaillante.

Il ne me répond d'abord pas puis finit par avouer au bout de quelques secondes :

- Elle est morte... Je l'aimais et elle est morte...

Je bloque. "Elle est morte" ? "Je l'aimais" ? ... Il m'a remplacée pendant ce mois ? Il a refait sa vie ? Il m'a si rapidement oubliée ? Il me trompait ?... J'ai du mal à y croire mais... Je viens peut-être d'en avoir la preuve...

Parlait-il de sa sœur ou de sa mère ? De sa cousine ou de sa tante ? D'une amie d'enfance ? Possible aussi...

- Elle s'appelle comment ?
- Rose...

QUAND LE RIDEAU TOMBE  {FanFiction Mozart l'Opéra Rock}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant