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POINT DE VUE DU PRINCE

Des minutes passaient et je commençais à m'inquiéter que tante Elsa ne ramène toujours pas Merveille. Ce n'est pas que je ne lui fasse guère confiance. Je lui fais bien assez trop confiance, c'est justement pour cette raison que je l'ai laissée amener Merveille avec elle, alors que j'ai conscience de toutes ces supercheries qui se passent en ce moment dans cette salle. Tous ces gens vicieux, assoiffés de pouvoir les uns que les autres, prêts à tout pour l'argent et le pouvoir, ne manqueront pas une seconde à s'en prendre à Merveille sans aucune vergogne s'ils découvrent qu'elle est seule. Je connais suffisamment ma communauté royale pour en déduire quel genre de personnes ils sont.

La plupart des individus présents en ces lieux ne se sont point assemblés en cette cérémonie royale en quête d'une simple jouissance festive, tel qu'il est d'usage naturel. Nombre d'entre eux ont arboré cette enceinte pour sceller leurs alliances diaboliques , quérir des informations qu'ils jugent nécessaires , voire ourdir leurs pensées malfaisantes. Telle une évidence inscrite en moi dès mon jeune âge, mes yeux ont été témoins et mes oreilles ont recueilli maints éléments, bien plus que ne saurait en recueillir un enfant. Il en résulte que je suis à présent fort familier des méandres de l'esprit de chacun qui se tient en ces lieux.

Aline: jeune prince reste calme. Tu perd de ta prestance à être aussi tendu.

Moi: je trouve qu'elles ont mis assez de temps.

Aline: elles reviendront, ne me dis pas que tu l'as laissé venir avec toi pour rester cloîtré à cette table ?

Moi: oui , et avec moi.

Dis je en perdant déjà patience.

J'ai discuté de l'avenue de Merveille avec mes tantes, les seules dans ce monde avide de pouvoir en qui j'ai véritablement confiance et qui semblent n'avoir pas perdu leur humanité. J'ai veillé à ce qu'elles soient présentes à cette cérémonie afin que Merveille ne se sente pas complètement rejetée et seule. Je suis conscient que ma présence ici avec elle n'est nullement appréciée par la haute société royale, ce qui se traduit uniquement par les jugements portés par les regards depuis notre arrivée.

Cependant, je me soucie peu de ce qu'ils peuvent penser à l'heure actuelle. D'ailleurs, leurs réactions correspondent exactement à ce que j'anticipais en venant ici avec Merveille. Je savais que dans cette situation, ma mère perdrait forcément son sang-froid en voyant son unique fils, l'héritier du trône qu'elle convoite depuis des années, son unique pion, se rebeller contre elle alors qu'elle avait prévu des projets bien plus intéressants pour la soirée.

La notion de prendre ma mère au dépourvu m'était des plus réjouissantes. Dans ces moments où elle ne s'y attendait guère, je trouvais un plaisir certain à déployer ma rébellion et à suivre mes propres impulsions. Toutefois, ce qui me satisfaisait par-dessus tout était de lui rappeler que je ne pouvais plus être manipulé, tel que cela était possible autrefois. Durant mon enfance, j'étais convaincu que répondre à chacune des attentes de ma mère serait gage d'une certaine fierté de sa part. J'allais même jusqu'à accomplir des actes dépassant largement le cadre des responsabilités enfantines, persuadé qu'une telle conduite était normale. Mon raisonnement était que par ces actions, elle porterait enfin un regard bienveillant sur moi et me consacrerait le temps nécessaire, comme tout enfant en rêve.

Cependant, la réalité était bien différente ; ma mère nourrissait des desseins bien plus imposants, et je n'étais qu'un pion manuvré avec la complicité de mon père, destiné à assouvir leur soif de pouvoir afin de m'empêcher de perdre la couronne face à mon cousin, le fils de mon défunt oncle Akzak, un rival caché dans l'ombre.

le prince et la chrétienne [TERMINÉ] ( RÉÉCRITURE )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant