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« je te souhaite sincèrement le meilleur. Poursuis ta vie et accroche-la à Dieu, car c'est le seul bienfait que j'ai pu apporter dans ta vie. Mais il est clair que je ne suis pas faite pour être à tes côtés et toi également pour moi. »

Ces mots-là, je les ai prononcés il y a tout juste un mois. Des mots lourds, déchirants, qui s'échappaient de mes lèvres à contrecœur, alors même que tout mon être s'y opposait.

Alors que mon esprit, mon cœur, et jusqu'à ma chair, tout en moi hurlait à l'unisson que j'allais trop loin, que ces paroles tranchantes briseraient à jamais le fragile fil qui nous reliait dans cet univers teinté d'interdits.

Ce jour-là, en quittant ce jardin où nos âmes s'étaient souvent frôlées, j'ai cru, avec une certitude glaçante, que je ne croiserais plus jamais son regard.

Ces iris que j'avais tant contem-plés semblaient destinés à s'éteindre pour moi à tout jamais.

L'espoir, ce doux mirage qui habille parfois nos douleurs, m'avait abandonnée. Je n'avais plus rien à quoi me raccrocher, hormis l'amertume d'une séparation imposée par une réalité trop lourde à porter.

Et aujourd'hui, me voilà, là, face à lui...

Comment pourrais-je mettre des mots sur ce que je ressens en cet instant précis ?

Je doute même d'en être capable.

Une avalanche, peut-être ? Oui, une avalanche qui emporte tout sur son passage.

Mon cœur battait avec une ardeur nouvelle, comme si chaque pulsation cherchait à me rappeler que j'étais vivante, que ce moment était bien réel.

Mon souffle, lui, était devenu erratique, presque douloureux.

Mes lèvres tremblaient, incapables de formuler un mot, tandis que mes jambes menaçaient de me trahir, prêtes à céder sous le poids de l'émotion.

Tout autour de moi semblait s'effacer.

Les bruits s'éteignaient, les mouvements s'immobilisaient. Le monde entier semblait se réduire à une seule chose : ses yeux.

Ces iris qui, pendant ces six longues semaines d'absence, avaient hanté mes pensées et abrité mes rêves les plus mélancoliques.

Ces iris à lui... que je croyais ne plus jamais croiser.

A l'instant où il prononça mon prénom pour la première fois depuis 1 mois, son visage, surpris, s'était figé, une émotion brute se dessinant sur ses traits.

Il s'était redressé lentement, presque avec précaution, comme si chaque geste portait un poids immense.

Le cahier qu'il tenait entre ses mains glissa doucement sur la roche contre laquelle il était adossé, mais jamais, pas une seule seconde, il ne détourna son regard du mien.

L'air, autour de nous, sembla soudain s'alourdir, oppressant et dense. Je peinais à respirer, comme si ce moment avait volé jusqu'à ma capacité à exister pleinement.

Dans le lointain, le bruit des pas du garde qui m'avait accompagnée s'éloignait doucement, presque timidement, comme s'il savait que sa présence devenait superflue.

le prince et la chrétienne [TERMINÉ] ( RÉÉCRITURE )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant