Chapitre 59

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Des cris interpellent étrangement Mickaël depuis son rebord de fenêtre. Des cris semblables au siens quand son père à autorisé aux infirmiers de l'embarquer dans sa nouvelle chambre. Il tourne la tête comme tous les malades et scrute la scène. Une pauvre adolescente se débat auprès des infirmiers qui la forcent à les suivre.

-Non, hurle cette dernière, papa, maman !! S'il vous plaît !!

La jolie rousse disparaît derrière les portes qui conduisent aux chambres d'isolement. Finalement, Mickaël reporte son attention sur la fenêtre mais pas bien longtemps. En effet, il est de nouveau distrait par deux hommes d'extérieur habillés de casquette et de salopette. Ils transportent avec eux un piano droit qu'ils installent difficilement. D'ailleurs l'un d'entre eux ne manque pas de se faire mal au dos. Une sensation étrange parcours la colonne vertébrale de Mickaël. Une décharge qui remonte jusqu'à son cerveau et qui le pousse à se précipiter vers l'instrument en bois. Il ose a peine le toucher et se contente de le contempler d'yeux émerveillés.

-Tu sais en jouer, lui demande un patient plus vieux que lui.

Il hoche la tête, sortie de sa bulle.

-Vas-y alors. Anime cet endroit pourrie, râle le garçon de la vingtaine appuyé contre le nouvel objet qui attise la curiosité de plusieurs malades.

Mickaël s'assoit alors et craque ses doigts engourdis. Il ferme les yeux et rassemble les miettes de morceaux qui lui reste en tête. Finalement, c'est un classique qui lui vient à l'esprit : Chopin : Nocturne No.20 In C Sharp Minor. Sous ses doigts qui se posent prudemment sur les touches blanches et noires de l'instrument, Mickaël retrouve enfin la délicatesse qui lui manquait ces derniers mois. Les yeux fermés et emportés par la mélodie qu'il produit en y ajoutant tout son cœur, il transporte immédiatement ses spectateurs dans un monde doux et sein. Loin de cet hôpital. Le jeune musicien n'est peut-être que passionné et simple amateur, il à pourtant bien la capacité à raconter l'histoire d'une musique et faire ressentir à ceux qui l'écoute les émotions de la même manière que le voulait l'auteur d'une œuvre. Il parvient à apaiser les psychoses et les voix chez certains malades qui l'entourent. Tous se sont réunis autour afin d'échapper à leur folie qui s'arrête aux sons des gestes délicats de Mickaël. Ainsi, la salle de jour n'a jamais été aussi silencieuse et loin des hurlements, des bagarres et des pleurs. À cet instant, tout le monde profite de ce moment de répit et s'assoit autour du musicien, libérateur d'âmes torturées. Lui même serein, Mickaël affiche un sourire des plus radieux après des mois d'horreur. Un sourire qui le rend si beau que tout le monde le suit et sourit aussi.

*

-Tu vas mieux, murmure Laurent en lui apportant un verre d'eau avec son traitement.

-Merci, reniffle Jeanne sur leur lit.

Après une nuit très éprouvante pour Jeanne et épuisante pour Laurent, elle a enfin cessé de pleurer et de se repprocher un tas de choses.

-Je crois que je commence à flancher, sourit-elle difficilement, pardon...

-Tout va bien ma chérie. Tu devrais rester ici et ne pas travailler demain.

-Mais on est lundi, et c'est un jour ou j'ai pas mal de couverts, se serait dommage de tout perdre.

-La santé avant tout mon cœur.

Jeanne soupire et fixe le fond de son verre, fatiguée.

-Tu sais, commence son mari dos à elle, j'ai bien réfléchi cette nuit et c'est toi qui à raison. Moi, je ne suis pas un bon père non plus. Je suis même pire que le mien. Alors j'ai une idée.

-Quoi donc, demande-t-elle troublée.

-Si Mickaël sort de l'hôpital psychiatrique, tu serais d'accord pour que mon père deviennent son responsable légal ?

-Oui, répond sa femme prête à se séparer de son dernier enfant, Mickaël sera plus heureux et tranquille loin de nous.

-J'invite mon père pour lui en parler au déjeuner, conclut Laurent en ramenant le verre dans la cuisine.

Chacun de leur côté, Jeanne et Laurent versent silencieusement leurs larmes, détruis de ne pas avoir été à la hauteur de le rôle de parent.

*

-T'es toute souriante ce matin, remarque Jean depuis les escaliers.

Sa cousine relève la tête du saladier de pâte à gâteau dans un joli visage.

-Papa, m'a dit qu'il allait mieux.

-Alors qu'est ce que vous vous dites, demande le cousin en s'asseyant sur la chaise face à elle.

-Maintenant on s'appelle presque tous les jours et il m'a avoué que ça l'aidait énormément et que d'ici la fin de l'année on pourra vivre ensemble.

-Vivre ensemble ? C'est super ma puce, sourit Jean.

-Oui, j'ai hâte !

-Moi aussi... Mais... Je vais être seul alors ?

Zoé perd son sourire et culpabilise.

-Tu as Charlène, ajoute-t-elle la seule au courant de leur histoire, tu pourras habiter avec elle.

-Oui, t'en fait pas. L'importance c'est que tu retrouves ton père et que vous profitez. Moi je vais partir aussi alors, dans tous les cas on sera séparé.

Elle dévoile un sourire forcé. Jean le reconnait bien et se lève pour la serrer dans ses bras où elle sanglote.

-Pourquoi tu pleures ?

-J'veux pas être loin d'toi, avoue-t-elle.

Son cousin ferme les yeux, la gorge nouée.

-T'as toujours été là pour moi...

-Bah m*rde alors... V'la qu'j'avais réussi à jamais chialer d'vant toi et y a fallu qu'tu m'dises ça pour ! J'ai l'air mâlin maintenant !

-Pourquoi tu pars en Angleterre, hausse-t-elle en levant la tête, j'ai pas envie !

-Rien est sûr tu sais. Même si je ne pars pas là bas, j'compte me barrer loin d'ici.

-Et donc de moi !

-On s'appellera et on se reverra des fois.

-Des fois, répète Zoé dans un soupire de douleur.

-Si on terminait ton gâteaux pour le manger ce soir ?

Elle hoche la tête en essuyant ses jours avec le pull de son autre cousin qu'elle vole à chaque fois qu'il laisse trainer des affaires ici.

-Maintenant que ton père et toi ça va mieux, tu vas te remettre au travail, demande Jean en pétrissant la pâte avec elle.

-Oui, il faut qu'il soit fière de moi. Et maman aussi, annonce Zoé déterminée.

Mickaël Jify (Volume 6;Partie 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant