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XXXXIII

ABEL TESFAYE
LAS VEGAS

Je suis immobile. L'énergie est comme suspendue autour de moi. Mes yeux ne peuvent lâcher ceux de ma génitrice. Je n'arrive pas à identifier les émotions qui remontent dans ma gorge qui me brûle.

Elle est là, devant moi, comme ci elle ne m'avait pas abandonné encore enfant, pour un semblant de vie normale. Elle était comme dans mes souvenirs.

Ses cheveux toujours aussi longs, sa silhouette toujours aussi gracile et ses yeux toujours aussi semblables aux miens. Le temps ne semblait pas avoir fait ses effets sur sa peau caramel. Comment pouvait elle se porter aussi bien après ce qu'elle avait fait ?

Et là, une larme s'échoue le long de sa joue. Son regard est tellement... je ne saurai encore dire.

Cette petite part de moi qui voulait l'enlacer, écouter ce qu'elle avait à dire n'était pas assez forte pour contenir ma contrariété.

La colère monte en flèche. Ma respiration se fait plus lourde. De quoi pleure t'elle presque vingt cinq ans après ? 

-Abel, Charli commence derrière moi.

Il m'attrape le bras mais je me dégage brutalement. Mes yeux se posent quelques instants sur Tante Perla qui semble prostré dans son état de choque puis sur la nouvelle arrivante.

Mes jambes vont seules vers elle. Je serre les poing à m'en blesser.

-Abel, la voix de Bloom se heurte au vent.

La distance est réduite à néant entre nous. Je la domine de ma taille. Je la scrute durement. Ses iris sombres s'embuent encore tandis qu'elle baisse les yeux.

-Retourne d'ou tu viens. Là ou tu es allé te cacher. Cet endroit qui t'a parût à ce point bien pour que tu décides d'abandonner ton enfant, de m'abandonner-
-Abel- Sa voix brisée me frappe durement en une fraction de seconde mais attise ma colère.
-N'oses pas pleurer. Oh non, je rigole nerveusement. Si tu pensais pouvoir revenir à Vegas comme une fleur et renouer avec ton fils, tu t'es trompée. Retourne d'où tu viens parce que je ne suis pas ton fils et tu n'es pas ma-
-Abel !

On me retourne brusquement. Bloom est là, tremblante, ses yeux bleus suppliants.

-Arrête. S'il te plaît, elle souffle. Viens avec moi.

Sa main prend la mienne et essaye de m'emmener avec elle. Mais je reste immobile.

-Je t'en prie Abel, supplie t'elle encore plus bas.

Je cède puis pars avec elle sans un regard pour ma génitrice. Bloom traverse la maison sans me lâcher. Une fois dans la chambre qu'elle ferme, je sens la pression des dernières minutes s'abattre lourdement sur mes épaules.

La réalité qui m'avait frôlé, émoustillé, foudroyé, me décime une bonne fois pour toute.

Ma mère est là, juste à quelques mètres. Cette femme que j'avais attendu dans mes années d'insouciance était de retour.

Pourtant, intérieurement, je savais que son retour n'apporterait que des problèmes supplémentaires. Si elle était là, c'était pour une raison.