Ce que nous avons ignoré.

Instinct

Au moment où je me posai sur une branche, le major Erwin arriva peu de secondes après moi sur cette même branche. Nous ne nous parlions pas durant plusieurs minutes, de mon point de vue, son silence traduisait sa concentration, sur les possibles tactiques de survie. Mon impression changea brutalement quand je remarquai ses yeux complètement fermés, ignorant ce qui se passait sous nos pieds. Hein ? :

« M-Major ?

— Eren, il faut que tu me dises, as-tu un plan ? »

Comment ça ?! Mais c'était quoi ce merdier encore ? Pourquoi tout le monde s'accordait à me poser des questions étranges depuis le début de l'opération ? Si je passais un test, celui-ci était sacrément casse-burnes ! :

« Nous ne pourrons pas rester ici indéfiniment, je m'efforce de modeler des plans mais les faits sont là : nous avons affaire à des déviants. Toutes tentatives de décence m'apparaissent comme des peines perdues. Nous continuons à essuyer des pertes conséquentes sans même avoir aperçu la moindre bâtisse. Tu sais, après plusieurs discussions avec Dot Pixis, nous nous sommes dits qu'il serait peut-être plus judicieux et respectueux de te laisser exprimer tes impressions sur nos actions militaires... Tu es devenu un membre indispensable pour le Bataillon, d'une certaine manière, tu représentes notre force et notre rage. Aux yeux de certains dans la capitale, tu seras la personnification même de la résilience humaine Eren. Si je te dis ça, ce n'est pas dans l'optique de t'angoisser davantage, tu as le droit à l'erreur ici, seulement, je veux que tu prennes conscience de ton impact au sein de l'armée et dans le cœur des gens. Eren, ne te laisses pas envahir par tes doutes, par ce que tu penses ne pas savoir. Agis avec les données que tu connais, dont tu es certain. Agis avec ta force de conviction, celle qui t'a mené où tu en es aujourd'hui.

— Heu... Hum... Ce que vous me dites... Je dois vous avouer que ça m'angoisse au maximum. Erwin ne s'étonna pas de ma réponse, il en ria gentiment.

— L'inverse m'aurait étonné bonhomme. D'après mes calculs, le village ne se trouve plus qu'à une heure de trajet. Je ne sais pas encore si nous devons attendre le coucher du soleil ou non.

— Comme vous nous avez donné l'ordre de régler cette mission en moins d'une demi-journée, je suppose que nous devons partir d'ici dans les minutes à venir ? Major, je suis loin d'égaler votre génie, d'ailleurs je n'aurai jamais la prétention d'y arriver, cependant... J'ai peut-être un plan.

— Exprimes toi librement Eren, j'ai confiance en toi.

— Je vous en remercie major. Permettez moi seulement d'étudier ma théorie encore quelques secondes...

— Bien sur. »

En me concentrant sur nos chevaux restants, j'eus comme idée qu'on les prenne pour- Putain ! Qu'est-ce qu'ils foutaient eux ?! Les titans n'étaient pas supposés se désintéresser des animaux ?! Pourquoi ils les piétinaient ?! Ça craint au max là ! Le spectacle devant nos pieds me provoqua d'instantanés hauts-le-cœur. Les boyaux de trois chevaux s'étalèrent sur la pelouse, devant nos yeux, dégueu, purée ! :

« Mmh... Intriguant. C'est bien la première fois qu'ils s'en prennent à nos chevaux.

— Major, s'ils se mettent à tous les tuer, nous seront condamnés !

— Assurément. Cependant, il semblerait qu'ils aient arrêté... »

Effectivement, les déviants ne s'en prenaient plus aux chevaux, pourtant, les dégâts demeuraient critiques pour nous. À peine la moitié d'entre nous aurait-elle la possibilité d'obtenir une monture que nous serons pris à nouveau d'assaut, c'est évident ! Le merdier ! Ces crétins de géants foiraient la moitié de mes pronostiques ! Concentres toi Eren ! Le temps nous était compté, le village n'allait pas en s'arrangeant et nous étions bloqués dans les arbres... Je devais expressément trouver un plan solide, infaillible :

« Major ? Mon plan nécessiterait une énorme prise de risque. Voire, est complètement suicidaire. Cela dit, quand je vois notre situation...

— Et pourtant Eren, c'est celui-ci que je décide d'écouter. L'existence même de notre armée représente cette permanente prise de risque, ne t'en veux pas de réfléchir aussi crûment. Parles vrai Eren. »

Mon plan n'avait rien de certain, je n'étais pas un stratège, mon seul génie résidait dans mon instinct primaire. Je n'étais pas de nature à prendre la fuite néanmoins, ma tendance maladive à foncer dans le tas me mettait souvent bien dans la merde. Aujourd'hui, mes intentions ne dépendaient pas de moi, mais de tout le Bataillon. Ma marge d'erreur était de zéro pourcent, j'en avais aucune. Soit ça passait, soit nous mourions.

Faire preuve de cohérence... C'est ce que Livaï m'aurait conseillé :

« Bien. Comme vous le voyez major, il reste encore une vingtaine de chevaux en bas. Mon plan est tel, un groupe de volontaires sert d'appât pour les déviants. Ces titans-là ont plutôt l'air intéressés par nos chevaux, profitons de ce trait de déviance pour le tourner à notre avantage. Les titans sont attirés par les zones où forte concentration humaine il y a, pas vrai ? Donc, les titans finiront instinctivement par se diriger vers village, coûte que coûte. Alors, pendant que le premier groupe servira d'appât, un second devra... Comment dire... Monter sur les titans... Les prendre eux comme montures, je sais, c'est timbré. Étant donné notre nombre, la bonne moitié du Bataillon sera et devra monter sur un titan. Qu'en pensez-vous ? :

— Mmh. Arrêtes moi si je fais fausse route, selon toi, ton plan consisterait de faire amener une partie de nos troupe à dos de chevaux, tandis que l'autre partie à dos de titans ? Tout cela jusqu'au village ? C'est audacieux, à l'image de ton courage.

— Courageux j'en sais rien... Totalement inconscient, ça c'est certain. Maugréai-je la gorge serrée.

— Ce n'est pas si incongru que ça, les titans sont rapides, nous atteindrons rapidement le village dans ces conditions.

— Voilà mon plan, le fameux. Il n'était pas exagéré de dire qu'à cet instant, Hange se trouverait plus saine d'esprit que moi.

— Ton plan tient la route, ses chances de réussite dépassent les 45 %.

— Vous pensez ?

— Bien sur. »

Ce qu'Erwin ignorait, c'était ma peur viscérale de crever ici. Elle m'obsédait, elle me paralysait secrètement. Tout ces sentiments profonds s'empilaient dans ma tête et m'animaient par une sorte de folie passagère, elle me faisait perdre les pédales peu à peu mon sang froid. Ce sentiment m'entravait de toutes parts... Je développais là mon côté le plus incohérent de mon instinct, à nouveau :

« Alors ? L'un de vous a un plan ? Cette position est délicate, ça m'ennuierait d'y passer la nuit. Livaï débarqua sur notre branche, le regard sombre et le visage froncé.

— À la bonne heure. Nous partons Livaï, préviens les troupes, annonça le major.

— Hein ? Comment ça ? Questionna le caporal-chef d'un ton grave.

— Nous prendrons les chevaux, ainsi que les titans. Eren a eu cette idée et je dois t'avouer que nous n'avons plus beaucoup le temps pour en gamberger à propos de nouvelles. Il faut qu'un groupe se porte volontaire pour monter sur les titans présents, tandis qu'autre groupe pour monter les chevaux restants. Grâce aux présences humaines sur les chevaux, les déviants les suivront sans problème.

— Tch, des appâts donc ? C'est grossier, quoique ça puisse bien marcher. N'étonnant personne, ce plan est suicidaire, bravo Eren, c'est à ton image. Jäger tu m'surprends, ton instinct éveillerait-il chez toi des prémices d'un génie incompris ?

— Ces moqueries sont-elles réellement nécessaire caporal ? Quelle plaie ce type quand il s'y mettait...

— Non sincèrement, j'admire l'idée, je suis satisfait que ce soit toi qui en soit le génie. Bien, je pars prévenir les autres, on a intérêt à déguerpir d'ici avant qu'ils buttent tous nos canassons. Je me porte volontaire pour monter sur les titans, ça promet d'être... Divertissant. »

Le caporal me salua d'un faible signe de la tête, qui à mes yeux, montra sa reconnaissance. Je commençais à connaître le caporal, je percevais de mieux en mieux ses remarques sincères, son cynisme presque nécessaire. Maintenant, je n'avais pas d'autre choix que de lui prouver ma détermination...

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