Ce que nous avons ignoré.

A nos âmes

« ... Voila, je m'arrête ici. Je dois retourner soigner les autres, bonne chance.

— Attends Hitch je voulais savoir-

— Laisses tomber Armin, elle est partie.

— C'est tout de même étrange, elle paraissait mal à l'aise, non ?

— Bon on va causer encore longtemps devant la porte ? Vous avez les clés caporal Livaï ? S'énerva Sasha en posant violemment sa tête contre la porte.

— Quelles clés ? Connie n'est pas un prisonnier Sasha, tu peux entrer.

— Bien, enf-

— Avant toute chose, je dois vous demander d'être le plus respectueux possible. Si certains souhaitent sortir, qu'ils le fassent. Je n'y verrai là aucun signe de faiblesse. Tu peux commencer à entrer Sasha. »

Celle-ci ne se fit pas prier deux fois, elle ouvrit d'un mouvement brusque la porte.

Les membres de l'escouade rentraient un à un dans la pièce, aucun son ne sortit de leur bouche. Intrigué par cela, Eren resta sur le pas de la porte à observer Livaï pour tenter de comprendre ce changement d'ambiance. Leur échange fut bref mais lourd de sens.

Décidément, aujourd'hui ce n'était pas une journée destinée aux festivités et à la gloire de la réussite humaine. La guerre amenait des victoires, des avantages, des libertés. Mais, elle rapportait également des compromis, de la souffrance et appliquait des pertes. Pour Armin, il était illusoire de croire que tout ce qu'il entreprenait depuis plusieurs années déjà n'était pas sans risque, chaque journée était source de peur pour lui. Une peur viscérale et humaine qui le faisait tenir bon. Alors il ne comprenait pas, il ne comprenait pas pour quelle raison ce n'était pas lui qui se trouvait à la place de Connie, pourquoi ce n'était pas lui qui avait donné son corps et son âme comme il le faisait depuis toujours pour sauver ses semblables, et avant tout, pourquoi Connie avait décidé de partir au moment le plus crucial, l'Histoire des murs était enfin en train de changer, de se rééditer, Connie ne partirait pas en sachant que les choses pourraient devenir meilleures, alors pourquoi il demeurait-il là ? Dans une pièce où la chaleur humaine était absente, ou les cris et les pleurs ne résonnaient guère, sur une table en fer oxydé qui semblait prête à se dévisser au moindre geste.

« Je ne comprends pas... Je ne comprends pas ce que fais mon ami ici, seul, dans une pièce froide ! Les mots de Sasha résonnaient dans les oreilles de chacun, sa voix forte les ramenait à une réalité que tous souhaitaient extirper de leur cerveau tellement la douleur fut indescriptible. À la vue du corps blafard et froid de leur ami, il était vraisemblablement impossible qu'il ait subi une quelconque intervention médicale. Cette nouvelle constatation énerva au plus haut point Sasha, pourquoi nous avoir dit et répété qu'il avait été transféré en soins intensifs ? Caporal par pitié répondez moi.

— Connie était encore conscient quand nous avons quitté le village, il souffrait de ses blessures mais ne voulait pas mourir là-bas. Nous y étions presque, nous arrivions aux murs, il n'avait plus longtemps à tenir. Pourtant, aucun humain normalement composé aurait tenu autant de temps à de tels chocs physiques, pas même moi. Livaï appuya sur ses derniers propos en tournant le regard vers Armin, l'espoir est une dose euphorisante qui nous pousse à penser que nous pouvons surpasser toutes épreuves. Les limites sont là pour nous rappeler que nous ne sommes que de simples tas de chair qui finiront par rendre l'âme au moment venu. L'espoir est éphémère mais il est fort. Connie savait cela, je lui ai demandé pour quelle raison il se battait, qu'est-ce qui le faisait tenir jusqu'à l'arrivée à Sina. Il m'a seulement répondu : « Dites leurs que j'essaie juste de tenir le coup, que je suis capable d'y croire jusqu'à la fin. » Alors c'est à ce moment que j'ai compris, j'ai compris et vu ce dont était capable l'espoir d'un homme, d'un homme qui croyait de tout son être en ses semblables. Je ne parle pas de ceux qui sont constitués anatomiquement comme nous, je parle de ceux qui croient en la force qui nous anime, de ceux avec qui marchent, échouent et continent avec nous. De nos semblables.

— ... J-je ne crois pas être assez forte pour cela Caporal Livaï. Chuchota effondrée la meilleure amie de Connie.

— Tu le seras, vous le serez. Peut-être pas aujourd'hui, mais qu'importe, vous parviendrez à refermer ces immenses douleurs car vous avez cette force en vous. La douleur fait partie de la vie. Tout ce que je vous demande, c'est de continuer de croire, de croire que tout ce que nous faisons en vaut la peine et que tous ces sacrifices ne soient pas insignifiants. »

...

Chaque personne était différente, tout le monde gérait la perte à sa manière et c'était cette preuve d'humanité que Livaï défendait par-dessus tout.

L'inexpressivité légendaire de Livaï n'était un secret pour personne, pourtant, celui-ci montrait par bien des actes subtils sa reconnaissance auprès de ses soldats. Il respectait les faiblesses de chacun car lui-même en était rempli.

Sasha avait refusé de quitter le corps de son ami, Eren et Armin remarquèrent les poings serrés de la jeune femme sur les vêtements du jeune défunt. Ils comprirent que le deuil de cette dernière sera la plus grande épreuve qu'elle n'aura jamais traversée. La tête toujours posée sur le torse de Connie, elle demanda .

« ... Qu'allez-vous faire du corps ? Si vous comptez le donner en expérience je vous jure que-

— Connie est mort Sasha. Nous allons l'enterrer dignement comme tout humain mériterait. Nous lui ferons une cérémonie digne de lui, je te le promets.

— Il ne méritait pas de mourir comme ça, murmura Mikasa.

— Il repose en paix maintenant, il ne souffre plus.

— Et qui seront les prochains ? » Souffla Eren. Livaï ne sut percevoir l'état émotionnel de ce dernier, avait-il lui aussi peur de la suite ? Se sentait-il fatigué de subir les pertes de ses proches ? Sa critique fut employée par un ton si neutre qu'elle pouvait prêter à confusion pour les plus sensibles. Ce fut par un mouvement de tête discret que Livaï intima à Eren de le suivre dans le couloir.

Quelque chose n'était pas claire avec Eren et cela dépassait tous les raisonnements rationnels de Livaï. 

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