Bilan

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Au mur Sina, en plein centre de la capitale, dans le plus profond donjon du palais royal, demeurait Ymir. L'ancienne soldat remuait des souvenirs désagréables dans sa tête, elle avait été témoin d'une discussion entre Reiner et Bertholt qui lui avait fait froid dans le dos. Aujourd'hui encore elle ne put savoir si ces deux-là plaisantaient ou non, tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ferait de son possible pour transmettre les informations primordiales à la reine, Historia.

D'ailleurs, la reine s'engageait à rendre visite à son ancienne amie toutes les trois heures dans la journée. La solitude pouvait amener à la folie et Historia ne souhaitait pas ça pour Ymir. Malgré tout, les deux femmes étaient liées par un lien peu commun.

Ce que Historia ne s'expliquait pas, c'était le mutisme dont faisait preuve Ymir à chacune de ses visites. La souveraine partageait ses journées, tentait d'ouvrir un dialogue – même des plus insignifiants – avec la femme avec qui elle avait passé des veillées à converser de leur destin, et rien. Ymir ne répondait jamais, tous les jours elle fixait le mur de sa cellule en soupirant faiblement. Historia s'en voulait de ne pas avoir été assez persistante quand Ymir lui avait avoué qu'elle rejoignait le camp ennemi, car aujourd'hui elle avait perdu une amie.

...

Dans le village, les soldats les plus matinaux s'attelaient à seller les chevaux que les villageois avaient offerts en guise de présents pour le Bataillon. Un seul pourtant restait près la pitance, Connie. Le jeune homme ne comptait quitter sa place tant que son bouillon n'était pas terminé, là où tous les autres soldats réveillés avaient abandonné le projet. Effectivement, l'odeur douteuse du repas avait suffi à dissuader les soldats à prendre plus de quatre bouchées, Connie lui avait seulement faim. L'estomac de Connie devait certainement faire partie des plus performants de tout le Bataillon, à sa plus grande fierté.

Eren s'extirpa de la maison qui l'avait hébergé, si la bienveillance de la maîtresse de foyer était au rendez-vous, sa mélancolie également. Eren avait passé sa soirée à remonter le moral de la femme, sans succès. Elle lui avait conté toute la moitié de la nuit les pires histoires de sa famille, ce qu'Eren regretta amèrement.

Sasha éclata de rire en apercevant les cernes évidentes de son ami, Eren était réellement mal-en-point et pour la première fois, il regretta sa cellule dans la caserne :

« Fermes la Sasha, j'veux rien savoir. C'est dur pour tout le monde.

— Non mais tu aurais vu ta tronche Eren ! La chasseuse se tordit de rire tant la tête du brun accentuait ses pires défauts

— Elle n'a pas tort de s'marrer, t'es vraiment hideux ce matin, rajouta d'un ton placide le caporal. Celui-ci venait tout juste de revenir de sa toilette, dont lui seul avait le secret du lieu.

— Ça va ? C'est bon ? On s'marre à fond... Sasha je me tairais à ta place, sans déconner, tes histoires font plus peur que ma tronche donc bon.

— Toujours en train de se plaindre c'gosse. Bon, préparez-vous, on retourne à la capitale bientôt. Vous n'êtes pas sans savoir qu'avec la mission d'hier, on se tapera une réunion de débriefing. Ne me dites rien, je sais que vous avez tous hâte.

— Telle est la vie militaire qu'on a décidé de mener chef... Soupira Eren.

— Moi ce qui me préocuppe le plus c'est le fait qu'Erwin ait été informé de cette attaque ! S'écria Sasha en se redressant promptement en contractant tous les muscles de son visage.

— Heu Sasha... Respires non ?

— Oui !

— Écoutes ton pote Sasha, t'as l'air d'une abrutie à rester en apnée comme ça. Sur ce, à tout de suite les mômes. » Livaï ne considérait pas son escouade aussi mature qu'elle pourrait l'être, néanmoins, intérieurement il appréciait la spontanéité de certains.

...

Les troupes du Bataillon revinrent au sein de la capitale, nombreux soldats espéraient ne plus recevoir d'ordre durant au minimum, deux jours complets.

Ce qui fût le cas pendant au moins la première journée, les généraux s'étaient rassemblés pour convenir ce qu'il fallait faire d'Ymir. La détentrice du titan croupissait en cellule et elle démontrait aucune envie d'en sortir, ce qui mit la puce à l'oreille du major Smith.

« Ymir ne sortira pas de sa cellule... Elle n'a plus rien à gagner en dehors des murs.

— Comment ça ? Qu'est-ce qui vous fait dire une telle chose major ?! Interrogea Hange en redressant négligemment ses lunettes sur son nez.

— Elle n'exprime plus grand intérêt au principe même de vivre il semblerait. Hier soir, notre conversation m'a prouvé son acception quant au sort que son destin lui réserverait. Quoiqu'il pourrait se passer, elle semble prête à mourir.

— Et son titan ? Questionna le général-en-chef. Eren grinça des dents, plus ça allait, moins il supportait ce vieil homme.

— Elle le donnera à qui elle le souhaite, répondit d'un ton amer le semi-titan.

— Tu espérerais le récupérer mon garçon ? »

Le ton condescendant qu'employait le général Daris Zackley aurait suffi à faire péter les plombs du jeune Jäger. Heureusement que les murs de l'établissement lui rappelaient qu'il devait se tenir à carreau. De l'autre côté, Dot Pixis gambergeait sur les différentes possibilités d'attaques du camp adverse. Le vieux commandant était un homme pragmatique, il se laissait rarement dépasser par ses sentiments, ce qui en faisait sa force et sa réputation aux yeux de l'armée entière :

« Non. Si c'est ce que vous souhaitez savoir général-en-chef. » Confirma Eren d'un ton froidement assuré.

Eren comprit les motivations d'Ymir, elle était revenue en ces lieux pour avoir cette ultime chance de dire au revoir à une personne qu'elle aimait, ça lui paraissait intelligible :

« La question c'est : qu'est-ce qui a persuadé Ymir à rechanger de camp à la dernière minute ? Que nous prépare Reiner et Bertholt ?

— Eren a raison, Ymir est clairement un message qu'ils veulent nous faire passer, défendit Livaï.

— La reconquête du mur Maria approche, je suis intiment convaincu que Reiner et Bertholt attendent cela. Restons vigilants, je veux qu'on redouble les effectifs à chaque porte des districts de Rose et Maria. Voire, les tripler.

— Major Smith, nous n'avons pas les effectifs pour ça, fit remarquer le général-en-chef.

— Alors je demanderai aux Brigades Spéciales de redoubler d'effort, après tout, ce ne sont pas eux qui persistent pour avoir plus de responsabilités ? Bien. Vous pouvez disposer, Livaï, les ravitaillements ont été faits, tu as du thé pour les trois semaines à venir. Enfin, si ça peut te consoler de ce désastre.

— Disons que c'est mieux que rien, merci major. »

Eren trouvait les réunions entre généraux de plus en plus étranges... 


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Ce que nous avons ignoré.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant