Faire selon son besoin

66 4 0
                                    



Les deux hommes se trouvèrent bien vite fondus dans la masse de gens au centre de la capitale. Le marché accueillait bon nombre d'agriculteurs vivant dans les terres du mur Rose, ces derniers savaient que les récoltes se faisaient de plus en plus dures avec la menace des titans qui grandissait de jour en jour. Pourtant, beaucoup ne se considérait pas pour autant vaincu, la population voulait prouver aux ravisseurs par delà les remparts sa force de courage.

Chacun des commerçants se donnait à cœur joie pour présenter leurs outils, récoltes et autres créations faits avec le cœur. Livaï reconnaissait bien là la qualité des éléments présentés dans chacun des stands. Seulement, il était intéressé que par un artisanat, le seul et l'unique. Eren n'eut besoin que de quelques secondes pour comprendre duquel il s'agissait.

« Tu crois qu'ils présenteront des nouveaux parfums aujourd'hui ?

— Que tu n'as pas déjà goûté ? J'en doute !

— Fous toi de moi... En attendant, je ne rentrerai pas à la caserne sans avoir fait ma réserve. De plus, gardes le pour toi mais les généraux ont décidé de vous gratifier d'un banquet dans les jours à venir. Pour les efforts que vous avez fournis, vous méritez au moins un moment de repos et de convivialité bien mérité, selon eux.

— C'est un projet risqué, ils en ont conscience au moins ? Ria le plus jeune en s'approchant du stand des mille et un thés.

— Je ne vois pas ce qu'il y a de dangereux à vous remplir la panse convenablement Eren. Tiens, ce parfum je ne l'ai pas goûté il me semble... Madame ? Pouvez-vous m'indiquer le prix de cette boîte de thé ?

— Oh je ne sais pas... Disons une Sasha hors d'elle-même quand elle entendra le mot « viande » ? Ou des abrutis des brigades spéciales qui gueuleront partout pour s'auto-aduler d'avoir préparé les plats ? Ou mieux, un Dot Pixis qui aura la descente facile et-

— Ça va j'ai compris le tableau Eren, fermes la. Pourquoi faut toujours que tu extrapoles tout ? Moi j'vois seulement un énième rassemblement chaotique comme nous avons l'habitude de faire.

— C'est toi qui a l'esprit beaucoup trop rationnel capo', or, aucun de nous ne l'est ! Livaï n'écoutait plus tellement Eren, il fût bien trop concentré à négocier le prix de sa dernière boîte de thé, car le noiraud s'était engagé à l'acheter avant même qu'un autre humain puisse la repérer. Oh, ne vous fatiguez pas madame, il prendra aussi la boîte derrière vous ! Il l'observe depuis cinq minutes, je commence à le connaître et il ne démordra pas devant une telle trouvaille ! Rajouta Eren tout sourire.

— Caporal vous m'étonnez... Vous qui êtes de nature raisonnable, vous comptez vraiment prendre ces deux boîtes de trente parfums chacune ? Questionna la vendeuse en haussant le sourcil suspicieuse.

—... Il faut croire que le terrain est source de stress, j'vous prends les deux boîtes madame. » Eren eut encore raison, son partenaire allait ruiner sa tirelire pour des infusions étranges. Livaï concluait son affaire et suivit Eren au centre du marché.

...

En dehors des heures consacrées aux missions et aux réunions, les deux hommes ne se donnaient pas réellement le temps de se découvrir, c'est ce qui dérangeait Eren. Il avait conscience qu'il appréciait Livaï, à sa manière, le plus jeune exprimait une philosophie de vie propre à lui-même. Le caractère bien trempé d'Eren – bien que quelque peu impulsif – charmait de temps à autre le caporal. L'un comme l'autre n'était pas très adepte des démonstrations d'affection, pour l'un car il en a jamais réellement bénéficié, pour le second, car il avait peur de perdre à nouveau. Il serait fourbe d'appuyer qu'ils se complaisaient dans cette relation pour le moins implicite, ils espéraient que l'un d'entre eux sorte l'autre d'une routine lassante...

Ils le savaient, à trop attendre de l'autre dans leur coin, ils étaient certains que leur relation ne dépasserait pas celle de collègues dévoués. Cependant, les deux combattants vivaient sans cesse avec une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes, alors sans doute que cette façon rationnelle de se prouver qu'ils resteraient présents l'un pour l'autre exprimait leur façon de préserver leur relation.

« Et donc ? Tu disais quoi sur la rationalité Livaï ? Renchérissait Eren en fixant d'un air moqueur les boîtes de thé.

— La ferme, c'est thérapeutique.

— Assurément ! Le caporal se soucie de sa santé mentale, ça va de soi ! Il prendrait également des bains aux vertus rajeunissantes, ce qui lui donnerait cette impression de jeunesse étern-

— Tu ne tiens pas à tes genoux en fait ? Se braqua le plus petit en fusillant d'un regard assasin son interlocuteur.

— Oh tu peux bien les briser autant de fois que ça te chante... Je me régénère !

— C'est bien ce qui est le plus regrettable dans tout ce merdier. T'es un arnaque, j'espère que les généraux en ont conscience.

— La rage c'est mauvais pour le cœur. Bon ! Le prochain stand ?

— Hange parlait de produits frais, elle devait sans doute penser à des produits laitiers.

— Attends, qui sait qui finance déjà ?

— La couronne, sans ça on serait fauché comme des cons.

— Je comprends mieux pourquoi ces extravagances ! Oh ! Je rêve ! Ils ont rouvert le stand de fabrication des poupées en bois ?!

— Pourquoi tu ne parlerais pas sans crier... ? Eren où est-ce que tu- Oh putain de merde. Eren ! Non mais t'as quel l'âge-là ? »

Livaï tenait en horreur les poupées et autres jouets étant pourvus de visages inexpressifs. Les créateurs de ces choses articulés étaient clairement des types tourmentés selon lui, ce rejet était sûrement lié un traumatisme de son enfance non-résolu, qui sait ?

« J'sais bien que tu n'es pas un adepte du concept même du jeu mais avoues que celles-ci sont super bien confectionnées ?

— Eurk, non. Tu achètes ça, je t'interdirai de m'approcher à moins de cinq mètres.

— Ça me va ! Puis il l'acheta.

— J'vais m'le faire ce crétin s'il continue... » Bafouilla le caporal en retenant son sang-froid.

La ronde des stands se clôtura vers la fin de l'après-midi. Eren tenait en main des babioles toutes plus inutiles les unes que les autres aux yeux de Livaï. Livaï lui, tenait des fournitures alimentaires pour le prochain banquet ainsi que, sa nouvelle – et tendre – réserve de thés tant convoitée. Il n'y avait pas à dire, ils venaient de passer un moment très, expansif ?

Demain et le surlendemain les gratifieront de longues journées de réunion comme ils les appréciaient tant, la stratégie de reprise du mur Maria allait enfin être réellement discutée, que ça n'en déplaise à certains.

« Eren ? T'as le temps là ?

— Pour me faire lyncher de mes achats ?

— Et ça aussi mais surtout j'aimerais te montrer un truc. L'autre soir... Ce bâtiment, il refermait une histoire que je n'avais pas terminé de te raconter. Tu aimerais connaître la suite ?

— Quoi ? Maintenant ? Eren paniqua, il n'était plus certain de vouloir être celui que Livaï estimait. Il prit peur, il tremblota et ses poupées manquèrent de s'échapper de ses bras. L-Livaï tu ne crois pas que c'est assez, soudain ? J'veux dire, t'es pas obligé de te forcer ! Tu me connais je vais encore tout gâcher et-

— C'est à toi de voir si tu peux encaisser ça ou pas. Tu le sais bien, je ne te dirai jamais à ta place quoi faire. »

Puis Livaï s'en alla vers une direction que peu de gens prenaient, voire, quasiment personne. Alors Eren comprit et cela très rapidement. Livaï prouva alors sa confiance envers Eren. Car seul lui pouvait connaître la détresse infinie d'un être, selon Livaï, il était le seul le plus à même de compatir à ce qui s'apprêterait à voir. 

>>>

Ce que nous avons ignoré.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant