Ose franchir le pas

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La pénombre de la pièce laissait entrevoir deux silhouettes. L'une en face de l'autre, laissant une vingtaine de centimètres entre elles malgré l'ambiance intime que la pièce renvoyait. Le départ pour le continent de Marley approchait, la tension sourde qui envahissait l'esprit de l'ancien caporal ne cessait de le hanter. Sa relation avec Eren avait tant évolué ces derniers mois, un lien qui, bien que solide et sincère, restait enveloppé d'une ambiguïté pesante.

Les préparatifs de ce fameux mariage donnait du baume au cœur à ceux qui croyaient en un avenir possible. Les troupes s'étaient toutes réunies ce soir et même si à son étage, Livaï n'entendait pas grand-chose, il n'eut aucun mal à imaginer les soldats en liesse, braillant dans tous les sens rien qu'à l'idée de borie à nouveau un bon vin.

Sans un bruit, la elle et talentueuse femme s'installa en face de lui, prenant la liberté de s'asseoir dans ce large canapé en velours bleu roi. Sa douce expression laissait croire qu'elle attendrait toute la nuit si tel était le désir de son client. Parfois elle acceptait ce genre d'accompagnement, celui ou l'humain passait avant toute chose. Les tourments faisaient partie intégrante d'une âme humaine et celle du soldat.. En était remplie.

Des années durant, Livaï s'était efforcé de rentrer dans ce moule de l'humanité, témoin de nombreuses violences injustes au sein même de sa communauté. Le noiraud n'était pas dépourvu d'amour, au contraire, c'était ce sentiment fort et indiscutable qui l'avait fait tenir d'une façon ou d'une autre durant toutes ces années. Livaï avait aimé sa première escouade, avait aimé le général Erwin et le considérait comme l'homme le plus éminent de sa vie. Pourtant il était là, statique et incapable de faire des choix d'action, pas même les plus basiques :

« Nous avons toute la nuit monsieur. Je suis de nature patiente, ne vous en faîtes pas. Déclara-t-elle d'une voix si douce qu'étrangement, elle lui rappelait sa défunte mère.

— Approchez, je n'aimerais pas vous faire perdre votre temps. Elle acquiesça doucement en se levant de l'assise.

— Que voulez-vous que je fasse ?

— Posez vos mains... Ici. Livaï attrapa les siennes, elles lui rappelaient la fraîcheur de la rosée du matin. Sans en rajouter davantage, Livaï amena ses mains jusqu'à son visage, les plaçant de par et d'autre de sa tête. Il eut conscience que ce n'était pas ce à quoi la professionnelle était habituée, peut-être même qu'elle le trouvait ridicule, il l'ignorait. Et si... Vous m'embrassiez, cela ferait probablement taire toutes ces voix ?

— Il n'y a rien que je ne puisse pas faire monsieur. Approchez... »

Sa douceur innée et sa présence suffisaient à le calmer. Ses lèvres légèrement foncées d'un cosmétique dont seule elle avait le secret, se posèrent timidement sur celles du soldat. Le baiser était frêle, incertain, voire presque désordonné.

À mesure qu'ils se délivraient l'un à l'autre, à moitié allongés sur le rebord du grand bureau en bois vernis, un flash lui survint :

« Toutes ces choses... Que l'ont ne dit pas. Vous savez, à ces gens... Que l'ont tient à cœur... Qui pourraient disparaître à tout moment.

— Je vous écoute monsieur, continuez.

— Je me disais que... Je pourrai crever à tout moment et qu'il n'en saurait rien. Demeurant un souvenir qui n'en deviendrait jamais un finalement. La femme, attentive, l'encouragea à aller plus loin, à faire de cette pensée, la véritable thérapie qu'il eut besoin.

— Vous tenez à cette personne, c'est indéniable. Pourquoi ne pas le lui dire ? Elle déposa un long baiser sur sa joue. La vie est trop courte pour nourrir des regrets, vous le savez mieux que quiconque dans votre position.

Ce que nous avons ignoré.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant