un Chapitre une Histoire

Le Mage Noir

- "On ne peut pas laisser ce monstre à la tête de notre pays ! C'est à nous, le peuple, de gouverner ! Hors de question de laisser ce mage noir voler le trône qui nous revient de droit ! Vous êtes avec moi !"

Sur la place du village, les habitants observaient incrédule le bonimenteur qui s'égosillait devant eux. Baillant et riant face au frasque de cet individu peu charismatique.

- "Ferme-la et trouve-toi un travail !", braya une de femme du village en lui jetant une tomate trop mûre.

Son geste amusa la foule qui l'imita, déferlant une pluie d'aliments pourris sur l'orateur qui tentait vainement d'arrêter ses agresseurs par ses plates paroles.

Parmi la foule, un homme encapuchonné les observa un instant, avant de tourner les talons et s'enfoncer dans une ruelle sombre. D'un geste de la main il ouvrit un portail qui se referma une fois qu'il l'eut traversé. Il réapparut la seconde suivante dans ses appartements au palais royal.

L'homme laissa tomber sa cape et s'effondra sur le fauteuil au pied de son lit. C'était la troisième fois cette semaine que des opposants à sa couronne s'exprimaient publiquement. Celui-là n'était pas très convaincant, mais malheureusement, il n'était pas tout aussi inoffensif et était obligé de monter surveiller lui-même.

Cela faisait un mois qu'il était à la tête du royaume. Au début, il n'était qu'un soutien moral pour la résistance du pays. Mais de fil en aiguille, il a fini par en prendre la tête. Ses nobles origines lui conféraient le savoir nécessaire à la gestion d'un royaume et ses pouvoirs lui donnaient les moyens de ses ambitions. Lui qui avait fui son pays pour ne plus avoir à subir les responsabilités de la couronne, se retrouvait roi dans un royaume en déclin.

Mais ici, il n'avait pas son frère. La seule personne de son entourage qui l'aimait, malgré sa nature magique. Il était tous les deux fils d'une maléfique sorcière, mais il était le seul à avoir hésité de sa magie et du dégoût de leur père par la même occasion. Répudier du trône, qui lui revenait de droit, il avait grandi en paria, avec pour seul amour, celui de son jumeau.

Il n'avait besoin de rien de plus, cela lui suffisait. Du moins, jusqu'à ce qu'elle entre dans sa vie. Alkaly, la princesse du pays voisin, promise à son frère alors que son cœur était déjà sien. La politique étant ce qu'elle était, il ne pouvait rien faire pour la garder, sans risquer la guerre.

C'est pourquoi il avait fui, laissant ensemble les deux personnes qu'il n'avait jamais aimées. Et aujourd'hui, il se retrouvait roi d'une terre condamnée. Son cœur est bien trop généreux pour un sorcier, sa mère aurait honte si elle le voyait.

Le jeune roi posa son regard sur le ciel qui dépassait de sa fenêtre, se demandant ce qu'ils pouvaient bien faire en se moment. Le grincement de la porte le sortit de ses rêveries et majordome se présente à lui, brandissant une lettre de sa main gauche.

Astym la récupéra, remercia son serviteur et lu le document. Encore une missive relatant la famine et la misère de l'arrière-pays, lui demandant des fonds pour subvenir aux besoins des nobles qui n'arrivent plus à se nourrir convenablement avec les récoltes de leur sujet.

Je jeune mage poussa un long soupir de lassitude. Pourquoi continuait-il d'avoir des vassaux aussi nombrilistes alors que leur peuple se mourrait. Il brûla la lettre avec sa magie et replongea son regard dans les nuages.

- "Faites venir tous les vassaux au château, il est grand temps de faire un peu de ménage dans ma cour", clama-t-il au majordome qui s'empressa de faire parvenir sa demande.

Il fallut une semaine pour que les différents nobles rejoignent la capitale. Un grand banquet fut organisé pour l'occasion et le roi se para de ses plus belles toilettes. Il devait imposer le respect au premier regard, faire comprendre à tous ses sujets qu'il était désormais le seul maître à bord. Grand amateur de dramaturgie, il opta pour une véritable tenue de scène. Costume noit et purpre, une longue cape assortie, dorure sur les manches, broderie violine, maquillage sombre autour des yeux et sa couronne pour coiffer ses boucles brunes.