Elle viendra ?

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Et un an de plus.

Aujourd'hui je fête mes 100 ans.

Une journée entière pour me souhaiter mon anniversaire et personne ne s'est donné cette peine.

Je me suis souvent senti seul depuis la mort de mon père, mais jamais à ce point. C'est censé être une cape de passer a un âge à trois chiffres...

Et pourtant rien ne change.

Ma mère s'en fiche, mon maître a préféré mourir et ma petite amie est trop occupée...

Je devrais le savoir depuis le temps, mais j'avais encore de l'espoir, j'ai encore de l'espoir...

Il est tôt, à peine dix-sept heures, peut-être qu'elles viendront...

Aux moins Mort...

Assis dans le fauteuil d'un hôtel miteux, je regarde le petit gâteau que j'ai acheté le matin même. Il est exactement comme je les aime, fourré à la crème et nappé de fruit rouge. Une petite bougie est plantée dessus, acheter hier pour l'occasion.

Je vais encore attendre un peu... On ne sait jamais...

Le soleil se couche doucement, je perçois sa lumière qui décline au travers du rideau rapiécé. Une belle couleur dorée envahit la chambre. Sa chaleur caresse ma peau et rehausse légèrement mon cœur meurtri.

Elles viendront...

Pour passer le temps je me mets à écrire, écrire mes envies pour ce nouveau siècle, écrire mes désirs pour l'avenir, écrire ses craintes de solitude. Mon esprit divague lentement sur mes jeunes années, à l'époque bénie où ma mère était encore capable d'aimer, où on formait une vraie famille, où Mort venait me voir presque tous les jours et où mon maître me donnait l'impression de compter.

C'est lui qui a été le coup de massue qui m'a fait prendre conscience que tout n'était que mensonge. Eugène Regene Victorya, le mentor de ma mère, puis le mien à la mort de mon père. Comme elle, c'est un Invulnera, immortel, puissant et surtout invulnérable. Tout ce que je sais du combat et de la vie, c'est lui qui me l'a appris.

Je pensais sincèrement qu'il m'aimait. Être comme le fils qui avait perdu des millénaires plutôt. Mais lorsqu'il a demandé à ma mère de le tuer après la mort de son dernier descendant, car je cite "Je n'ai plus aucune raison de vivre" j'ai perdu pied.

Ça fait mal de se retrouver face à la réalité... De réaliser qu'on n'a jamais compté, du moins pas suffisamment...

Pour moi, il était un second père...

Mon père... C'était un homme bien mon père... Mort au combat pour son roi... Oui à l'époque on était encore en monarchie.

Mort dans les bras de ma mère...

Elle ne l'a pas supporté...

Perdre l'homme qu'elle aimait l'a brisé.

Elle s'est fermée à toute émotion et à rejeter tout le monde, y compris moi, son fils, le portrait craché de l'homme qu'elle a aimait.

Je ne l'ai pas vu depuis ce jour-là... Ce maudit jour où j'ai perdu mon père et ma mère...

Je regarde la petite horloge posée dans la chambre. Son tic tac mélodieux apaise mon cœur mortifère.

Elle ne viendra pas...

La connaissant elle est sûrement très loin d'ici et a ignoré royalement mon invitation...

Encore deux heures...

Est-ce qu'elle viendra ?

Peut-être à la dernière minute ?

En tant qu'incarnation de la Mort, elle peut se téléporter n'importe où instantanément... Elle sera peut-être là...

Elle avait toute la journée pour venir me voir...

Juste une minute...

Est-ce si égoïste de ma part de demander à ma petite amie de prendre une minute et de me l'offrir ?

Je sais que des morts il y en a toutes les secondes, plusieurs par secondes... Mais elle y arrive bien par moments...

Alors pourquoi pas aujourd'hui ?

Je ne sais même pas si elle a conscience de ce qu'est aujourd'hui pour moi... Elle est une entité hors du temps, le concept d'anniversaire lui est sûrement étranger.

Après tout, la mort ne fête pas la naissance de la vie...

Mais c'est important pour moi...

Et ça elle le sait...

Elle viendra...

Il reste moins d'une heure. J'ai allumé ma bougie et la laisse fondre doucement. D'après mes estimations, elle s'arrêtera d'elle-même à minuit lorsque la cire aura entièrement fondu.

Minuit...

À minuit je me promets que tout changera. Je ne veux plus être dépendant émotionnellement de ces personnes qui ne s'intéressent pas à moi, à ce que je ressens. Si à minuit elles ne sont toujours pas là, tout changera...

J'en fais le serment.

Il n'y a presque plus de cire. Le gâteau est recouvert d'une pâte blanche coulante et la flamme est sur le point de mourir.

Personne n'est venu.

Je suis toujours seul dans ce miteux petit hôtel. Mon coeur me fait mal, bien trop pour que je puisse encore ressentir de la tristesse. Désormais je ne suis plus qu'habiter par de la colère.

Le premier coup de minuit retentit...

Elle peut encore apparaître ...

Je pose mon regard sur le vide à côté du lit et attends.

Deuxième coup.

Elle a encore le temps...

Troisième, quatrième, cinquième...

Elle peut encore...

Dixième, onzième...

Douzième coup de minuit...

C'est fini...

Une larme perle sur ma joue ... Je suis seul...

La bougie s'est éteinte... Mon anniversaire est terminé...

Je saisis le petit gâteau, retire la cire fondue avec minutie, puis croque dans le désert. On ne va pas gâcher.

Minuit a sonné et comme promit je me détache du passé.

Bon anniversaire Delfire, puis tu prendre tout ce que tu désires dans ce nouveau siècle sans te soucier des conséquences.

Désormais tout ce qui contera sera mon plaisir a moi.

un Chapitre une HistoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant