Chp 3 - Tamyan : ce que je fais de mieux (1)

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Ynnaid Ithil, Territoire du clan du Feu Noir, Neuvième Cour d'Ombre

Yuggoth, Autremer


Je sens que Faël sera heureuse ici. La glace d'Ynnaid Ithil, le domaine de mon père, parle à sa nature. Une nature froide, coupante comme les reliefs enneigés qu'on aperçoit des balcons de notre chambre, sur la plus haute tour du palais. Comme cette vue m'avait manqué... L'air froid, incisif, qui descend des montagnes blanches, et qui, je le comprends maintenant, m'évoque les caresses de Faël.

Ma mère n'aimait pas ce glacier où mon père, dresseur de wyrms et n'appréciant rien de mieux que de voler sous les étoiles, avait fait son palais. Elle préférait à ces hauteurs nuageuses la chaleur parfumée et vénéneuse de la Cité Noire, Ymmaril, qui étend ses bas-fonds et ses donjons sous le palais du Haut-Roi. Ses allées de mithrine et d'améthyste, ses lourdes fleurs aux corolles sucrées, son animation dangereuse. Faël connaitra bientôt la Cité Noire elle aussi, lorsque j'y entrerai victorieux avec mes troupes réunifiées pour l'y installer au palais, la tête de Fornost-Aran brandie par mes chasseurs en haut d'une pique. Uriel n'a pas récupéré le collier de commandement. Je le porte encore, nuit après nuit, sur ma tunique. Et je n'enlève ma cotte de maille que lorsque j'enlace ma femelle. Je suis prêt à faire la guerre, n'importe quand. Est-ce que mon oncle, lui, est prêt ? On verra ça tout à l'heure, pendant l'audience.

— Tu dois vraiment aller le voir ? me demande Faël, assise sur le lit alors qu'une esclave démêle ses cheveux.

Sa chevelure de neige a encore poussé, lui arrivant désormais jusqu'aux chevilles. J'ai une irrépressible envie d'enfouir mon visage dedans, de respirer son parfum, mais je me retiens. Pas devant des inférieurs.

— Donne-moi la brosse, ordonné-je à l'aslith, qui me la tend avec un salut déférent.

Faël me lance un drôle de regard.

— Laisse-moi te brosser les cheveux, maïrea, la supplié-je presque.

— Tant que tu ne m'« étrilles » pas...

Oh si. Je le ferai avec mes griffes ce soir, ornant la peau immaculée de ta croupe glorieuse de belles traces rouges.

Ma belle adore que je lui fasse cela. Je sais qu'elle ne m'a pas parlé d'étrille innocemment : c'était pour me provoquer.

Bientôt, ma beauté, bientôt. Patience.

Je fais un signe à l'esclave pour qu'elle amène le grand miroir.

— Je dois aller rendre visite à mon oncle, murmuré-je en saisissant délicatement une mèche couleur de lune pâle dans ma main. Pour demander réparation. Les vengeances sont autorisées – et même encouragées – mais elles doivent être approuvées par le souverain.

Faël ne dit rien, mais je vois le regard qu'elle me lance dans le miroir. Il y a des règles à Dorśa, et je sens qu'elle les approuve.

— Tu n'as pas peur que... qu'il en profite pour te tuer ? finit-elle par demander.

— Il n'en fera rien. Cette victoire m'a gagné l'admiration de notre armée. Les chasseurs sont impatients de repartir au combat, et ils savent qu'il n'y a qu'avec moi qu'ils auront leur compte de sang, de tueries, de pillages et d'esclaves. Aran reste enferme dans sa tour, Aeluin ne s'intéresse qu'à ses wyrms, Uriel à Daemana, Lathelennil à l'Aonaran et sa femelle... Être ard-æl, c'est une charge : il faut apporter sécurité, nourriture, autorité, affection et surtout amusement aux vassaux. Les chasseurs ont vu toutes ces femelles à la Cour d'Edegil, et ils ne comprennent pas pourquoi eux, en sont privés. M'attaquer maintenant serait une erreur stratégique de ma part d'Aran. Et il est loin d'être bête. Vieux, mais intelligent. Redoutablement.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant