Le temps, dans les royaumes ylfiques, ne s'écoule pas de la même façon que dans la réalité des humains. Sans Tamyan, sur Pangu, une nuit me paraissait dix ans. Mais ici, le soleil ne se lève jamais. Le temps s'étire, indolent, alors que je morfonds de celui qui m'est devenu aussi nécessaire que la lune ou le soleil, un soleil noir, qui hante mes nuits. J'ai besoin de lui, j'ai besoin de son sang, de sentir son parfum et de m'enfouir dans sa chevelure. C'est une nécessité vitale. Alors, je passe mes journées dans le lit immense, enroulée dans les draps de satins noirs, entre le rêve et le sommeil, à m'imaginer qu'il est là. À tel point qu'en voyant sa haute silhouette ailée apparaitre dans l'ogive sculptée de la fenêtre cette nuit-là, j'ai pensé à une hallucination.
Rizhen ne me quitte pas d'une semelle. Il dort même au pied de mon lit, enroulé dans son shynawil, son épée courbe prête à pourfendre le moindre agresseur... j'ai renoncé à le faire dormir ailleurs. Je dois accepter d'avoir cet ylfe immobile dans le velours de son manteau, ses longs cheveux blonds et l'argent de sa lame luisant faiblement à la lueur argentée de la lune – cette lune étrange que les ældiens semblaient avoir volé à la Terre.
Cette nuit, encore, Rizhen veille, dans cet état de semi-veille dans lequel les ældiens excellent. Et soudain, je vois son oreille pointue tiquer. Il est debout immédiatement, sa longue lance dans une main, son épée dans l'autre. Sous sa lame, la dague de Tamyan. Tout s'est passé si vite que je ne me suis pas aperçue que la silhouette ailée, ce mirage sombre, avait bougé... dans le silence, et le noir complet.
— Encore un peu, et tu éborgnais le prince de Dorśa, grogne Tamyan à son second.
Le « prince de Dorśa ». Notre fils... il l'a récupéré !
Rizhen recule, rengainant son sabre d'un geste souple et élégant.
— J'ai fait une erreur, ard-æl. Mais si tu ne rentrais pas chez toi comme un voleur...
— Justement, c'est chez moi, et je rentre comme je veux. Surtout sans wyrm, revenant directement d'Ymmaril.
— Par la fenêtre, donc, observe Rizhen, qui refuse de lâcher le morceau.
Tamyan n'a pas le temps de répondre. Je me suis déjà précipitée sur lui, et j'ai pris la forme qu'il porte contre lui, enroulée dans son shynawil.
Cyann. Mon bébé.
— Tamyan, soufflé-je. Tu l'as ramené !
— Je te l'avais promis, Faël, répond Tamyan. Et je n'ai qu'une parole.
Ses yeux félins luisent d'une fierté hautaine. Moi, je ne peux détacher les miens de mon fils. Il semble en pleine forme. Il ouvre ses billes azur, et les coins de ses paupières plissent de joie lorsqu'il me reconnait. Je le serre contre moi, le cœur débordant comme une fontaine.
Tamyan me regarde pleurer en silence. Laisser couler sa tristesse : une chose dont il est incapable, et dont la vue, je le sais, le réjouit grandement. Il a provoqué une émotion violente chez moi, dont il peut se repaître, la bouche légèrement entrouverte, les canines sorties d'anticipation, et les yeux brillant de cette effrayante fascination que ressentent les ylfes face à la faiblesse et la mortalité.
Pour ma part, j'ignore ce désir ténébreux que je sens monter chez Tamyan. Pour le moment. Je tâte mon fils, l'embrasse partout. Je ne peux pas croire ce que je vois.
— Sa queue, ses oreilles... tout a repoussé !
— La puissance du sang Niśven, commente Tamyan en posant un regard satisfait sur son fils. Le pouvoir de ma lignée est fort en lui. Ce sera un mâle redoutable, aussi beau et létal que la nuit. Un conquérant, un chasseur.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...