Pangu, bordure extérieure
Planète tellurique tempérée et respirable, moins de 5000 habitants
En revenant de mon shift au dispensaire, je tombe sur un attroupement devant ma maison.
— N'approchez pas, m'arrête une femme qui ne me connait pas. C'est un ældien mâle avec son petit. Il vous attaquera si vous venez trop près ! Il parait qu'ils sont encore plus dangereux quand ils veulent protéger leurs rejetons.
— Oui, je sais, merci, grommelé-je entre mes dents.
Je me faufile entre les commères venues se rincer l'œil sur le monstre. Je perçois quelques bribes de conversation : « Ils vivent dans la grande forêt » ; « pourquoi sont-ils entrés dans cette maison ? » ; « on ne m'avait pas dit qu'il y en avait ici aussi ! » ou encore « t'as vu la longueur de ses griffes... il pourrait t'arracher la tête d'un seul coup de patte ! »
À croire qu'elles parlent d'un ours.
— Moi, c'est ses oreilles qui me font bizarre. Elles sont si pointues !
— Le petit a les mêmes.
— Mais c'est mignon, en fait, un bébé ældien ! Vous avez vu sa petite queue ?
Les chuchotements s'arrêtent lorsqu'on me voit monter les escaliers menant à la terrasse. La porte vitrée est grande ouverte. Je sens la colère monter.
À quoi il pense, merde ?
— C'est moi qui vais vous arracher la tête si vous ne nous laissez pas tranquilles ! crié-je aux commères qui se sont arrêtées devant notre masure.
Choquées, les femmes reculent.
Eh oui. C'est moi la mère de l'ourson, du bébé troll.
Tamyan est allongé sur le flanc dans un amas de fourrures, le visage enfoui sous la chevelure qui cascade le long du bras lui servant d'oreiller, les oreilles « si pointues » dépassant de cette masse sombre. Les fameuses griffes, quant à elles, sont bien visibles au bout de sa main, qui pend paresseusement. L'une de ses immenses ailes noires est repliée sur son ventre comme une couverture. Je distingue la petite silhouette de Cyann en-dessous, calé contre le ventre de... de... son père.
Je n'arrive toujours pas à le dire. Mais Cyann est bien son enfant. Notre enfant à tous les deux.
Je ne sais toujours pas pourquoi Tamyan a choisi de s'endormir là, avec le petit, au vu et au su de tout le monde. Sans doute à cause du soleil. Il n'y en a pas, là d'où il vient. Mais avec sa peau si pâle – comme la mienne, et celle de mon fils -, c'est tout sauf une bonne idée.
Je rabats le store au nez des curieuses, qui, déçues d'être privées du spectacle, continuent leur chemin vers la route qui passe à cinq cents mètres de notre maison. Puis je tire le shynawil de Tamyan sur son corps nu, en partie recouvert d'une dense fourrure noire. Je devine qu'il s'est écroulé là en revenant de la chasse, sans prendre le temps de retrouver une apparence plus acceptable pour la communauté, et que Tymyr, qui gardait Cyann, s'est empressée de lui rendre le gamin avant d'aller se barricader au fond d'une grotte pour la journée. Rizhen doit encore être en train de bricoler sur le vaisseau. Voilà la vie qu'on mène. Une tribu d'animaux sauvages.
Morose, je m'atèle à la préparation du biberon de Cyann, écartant d'un revers de main les os à demi rongés que mes trois colocataires ont laissé sur le plan de travail. Tamyan a trop été habitué à avoir une escouade de serviteurs pour débarrasser à sa place. Ou peut-être qu'il se fout que notre maison ressemble à la tanière d'un smilodon. Les deux, sûrement.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Ciencia Ficción"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...