— Le seigneur Uriel a décidé que tu avais été suffisamment punie, m'annonça la créature blafarde qui servait de fynasí en chef, Umü.
Les fynasin, ou « renards ». Des captifs qui avaient perdu toute humanité, et vivaient là comme des fantômes, à aduler et servir leurs bourreaux de leurs doigts maigres et de leurs yeux fiévreux. Comme leurs maîtres, ils avaient les yeux entièrement noirs, et arboraient diverses scarifications, révélées çà et là sur leur peau blafarde au gré des trous dans leurs uniformes, qui évoquaient, selon leur rang, les vêtements à la coupe martiale de leurs cruels maîtres.
On me détacha, et je tombai sur le sol. J'étais trop épuisée pour bouger ou même pour relever la tête. Combien de temps étais-je restée attachée là, les bras en l'air ? Cela me semblait tantôt une heure, tantôt une éternité.
— Umü dit : Le seigneur Uriel s'est montré magnanime pour cette fois, reprit le satané gamin en me regardant de ses yeux délavés et inexpressifs. Tu devras lui obéir en toutes choses et ne plus chercher à insulter ses invités. La prochaine fois, la punition sera moins douce.
Umü parlait de lui – ou elle – à la troisième personne. C'était une créature sans âge, d'une perversité inouïe.
— La peste soit de votre seigneur Uriel, grognai-je en tentant de me relever. Que les dieux cruels de l'Abîme lui arrachent le cœur ! Marcher à quatre pattes et à moitié nue avec un collier de chien ou servir de coussin aux pieds de monsieur, passe encore, mais me forcer à faire de même avec cette catin de Tanit, jamais !
— Dame Tanit est l'honorable invitée de notre maître. Le seigneur Uriel exige que tu la traites comme si elle était ta maîtresse. Invoquer les dieux de l'Abîme ne t'aidera en rien, me répondit froidement Umü.
Je poussai un grondement de rage impuissante. Qu'importe le fouet, les longues heures passées attachée dans des positions inconfortables, la faim, le froid, la peur et les privations : la pire des tortures de cet enfer dans lequel j'étais tombé était le sourire vainqueur qu'arborait Tanit, lorsqu'elle contemplait ma déchéance.
J'étais encore en train de maugréer, cherchant à bouger mes membres endoloris, lorsqu'Uriel apparut.
— Ces humains sont endurants, remarqua-t-il tout haut en ældarin après avoir contemplé ma silhouette prostrée, comme s'il parlait de quelque bête de somme. Presque un quart de lune que cette femelle est pendue ainsi par les poignets, et elle est encore vivante. J'aurais dû songer à une punition plus dure.
C'était la première fois que j'entendais Uriel parler ældarin en ma seule présence. Mais l'intervention de Tanit, avec qui il communiquait dans cette langue, avait provisoirement fait disparaître de sa bouche cette langue dorśari que je ne comprenais pas. Une langue qui ressemblait à une suite d'aboiements, de crissements et de sifflements rauques sans queue ni tête.
— Je suis peut-être vivante, mais je ne peux plus me relever. Votre punition était très dure, Uriel ! Tanit l'avait cherché.
Le susnommé, étonné, se pencha pour me regarder, plantant ses yeux noirs et effilés dans les miens.
— Tu parles la langue des Cours ? demanda-t-il sans ciller, comme si c'était normal.
Je hochai la tête.
— Oui. Je le parle.
— Et tu aimerais bien que je te demande pourquoi, observa-t-il, peu arrangeant.
Je décidai de garder le silence. C'était sans doute l'option la plus prudente. Uriel n'avait pas l'air d'avoir envie de me faciliter la tâche.
— On m'avait conseillé de t'empêcher de parler, reprit-il. Tanit m'a même supplié de t'arracher la langue, avec beaucoup d'insistance. Mais... Cela peut servir, une langue. La nôtre... Pourquoi la parles-tu ?
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Khoa học viễn tưởng"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...