Chp 17 - Eren : les larmes de Narda (2)

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Erenwë suivit la sortie de l'Aleanseelith sur la baie de leur vaisseau. Ils possédaient toute une flottille d'astrojets peints à leurs couleurs, des machines réputées pour leur extrême maniabilité, et la facilité avec laquelle ils pouvaient envoyer dans le décor un ædhel non entraîné à les piloter. Même Angraema n'avait jamais essayé de s'y frotter, et elle, Eren, n'en avait aucunement l'intention.

En revanche, le vaisseau amiral de la guilde, avec Roggbrudakh aux commandes... C'était une autre histoire.

— Y sont partis ?

La petite voix pointue d'un hënnel la tira de ses rêveries. Mortifiée, Erenwë se retourna, pour faire face à ce qu'elle avait toujours évité : un foutu gosse, qui la fixait, son doudou à la main. Sa mère n'avait même pas eu le temps de lui enlever son pyjama. Derrière lui, en ligne et plus prudents, se tenait le reste de la troupe de gamins, la fixant de leurs grands yeux, la bouche ouverte et le nez coulant.

— Qui va nous habiller ? continua l'enfant.

— J'ai faim, gémit un autre.

— Je m'ennuie ! ajouta un troisième.

Soudain, Erenwë réalisa la terrible décision qu'elle aurait à prendre. Qu'allait-elle faire des petits de la troupe du Chemin Voilé ?

Et il y en avait dix. Dix mômes ! Elle ne pouvait tout simplement les balancer dehors, alors que la bataille faisait rage.

D'autant plus inquiète qu'elle se sentait impuissante, Eren se dirigea vers la baie. Les filidhean avaient stationné leur vaisseau en orbite basse, dissimulé derrière un champ de confinement, exactement comme son père l'aurait fait. Elle avait donc une vue exceptionnelle sur le théâtre des opérations, une place aux premières loges pour assister aux combats. En bas, sur la petite planète Taranis, c'était l'apocalypse. La jeune ældienne pouvait voir plusieurs départs de feu, et le ciel avait déjà pris une teinte noire, chargé de gaz carbonique. En outre, la colonie ædhel, située dans ce qui était originellement une forêt bucolique, se trouvait envahie par des bâtiments de guerre en ruine, pilotés par des morts-vivants. Plus haut, les armes rouillées vomies par l'hyper-espace apparaissaient les unes après les autres comme un essaim de monstrueux insectes, déchirant le tissu de l'espace-temps par des bangs supersoniques à éclater les tympans de la faune. Des bâtiments oubliés depuis des millénaires, spectres de guerres destructrices de mondes, filigranées de spectrales lueurs verdâtres. Ces criminels que Rika nommait « les Desséchés » n'avaient plus rien à perdre : bannis de l'humanité pour des crimes atroces, condamnés aux pires peines par l'Holos, ils survivaient dans des corps en mauvais état et une flotte rouillée, récupérée dans les cimetières de vaisseaux de la Voie. Mais ils étaient si nombreux... à croire qu'ils ne s'arrêteraient jamais de déferler ! Et trois troupes de clowns de moins de dix membres chacune espéraient venir à bout de ces légions de la destruction ? Eren comprit ce qu'elle n'avait fait que pressentir en voyant Elshyn se préparer à partir : ils n'avaient aucune chance.

Ces ædhil n'ont pas d'armée. Æriban n'existe plus, et les seuls qui continuent à les défendre, aujourd'hui, ce sont des bardes qui jouent à la guerre...

Ardamirë arriva dans son dos, vêtue d'un peignoir que lui avait prêté Yriel.

— Qu'est-ce qu'ils vont leur faire, à ton avis ? demanda-t-elle à sa sœur.

— Les massacrer, dit sourdement Eren. Leur voler tout ce qu'ils ont, leurs astronefs, leurs cristaux-cœurs pour faire du combustible et continuer à faire voler ces tombeaux volants qui leur servent de navires... et, probablement, les drainer de leur sang pour faire du bioplasma.

Finalement, mieux valait les orcs.

— Va le rejoindre, finit par chuchoter Arda. Si tu penses que ça peut aider.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant