Le soir même, je fus conduite devant la porte, verrouillée de l'intérieur, de Son Altesse Daemana. Tous les jours, une armada de serviteurs se pressait en procession pour lui apporter les plus appétissantes denrées, les plus luxueux cadeaux. Uriel se saignait aux quatre veines pour lui plaire. Mais Mana refusait toujours de l'inviter dans cette chambre, sur son propre vaisseau. Tel était son caprice.
— C'était prévisible, railla Lathelennil en m'accompagnant dans les couloirs sombres de l'immense cair amiral d'Uriel, le Mercor. Si tu avais vu notre aîné... Tu aurais immédiatement oublié ton Silivren, tes enfants, tes espoirs, ta vie passée, ton nom, même, pour te traîner à ses pieds. Il est d'une telle magnificence que nul ne peut poser les yeux sur son visage sans être ensorcelé. Alors partager ses nuits !
Connaissant Mana, je n'étais pas certaine de ce qu'il avançait. Mais je n'avais jamais vu l'auguste face de Fornost-Aran, Dieu merci. Il m'avait lui-même répudié avant que je puisse le voir, mettant ainsi un premier coup de canif dans le piège qu'avait tissé Tanit.
Arrivé devant la porte, Lathelennil tira sur la jupe de cuir de son armure, s'éclaircit la gorge, et frappa un seul coup sur la porte de son poing bardé d'iridium.
— Qui est-ce ? s'enquit la voix pointue et musicale de Mana.
Comme cette voix – tant détestée au départ – m'avait manquée ! Mon cœur bondit de nostalgie, alors que je me retrouvais à cette époque bénie et sans réel souci où je voguais avec Ren, Mana et les petites sur l'Elbereth, en petit comité. C'était le bon temps.
— C'est Lathelennil Niśven, le frère d'Uriel, grommela le susnommé en réponse.
— Lathé quoi ? Je ne connais ni n'attends personne de ce nom aussi laid qu'imprononçable, répliqua Mana, plus peste que jamais.
— Lathelennil, frère d'Uriel ! répéta-t-il plus fort. J'amène un... cadeau.
Je lui jetai un regard contrarié. C'était tout ce qu'il avait trouvé, comme prétexte ? Croyant les dorśari maîtres comploteurs, j'étais déçue.
Mais je sous-estimais la sournoiserie de Lathelennil. Rapidement, alors que des pas légers se faisaient entendre, il me posa un lourd coffret entre les mains.
— Le cadeau pour Mana, murmura-t-il.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Ne t'occupe pas, grinça-t-il entre ses dents.
Déjà, la porte s'ouvrait.
Mana apparut, plus belle que jamais. Ses joues anthracite étaient creusées, ce qui ne faisait qu'accentuer sa beauté. Ses longs cheveux blancs, lisses et libérés de toutes leurs tresses, descendaient, telle une parure de soie, jusqu'à ses fesses délicatement cambrées. Sa petite bouche rehaussée de rouge, faisait écho à ses yeux rubis, tous les quatre fixés sur Lathelennil.
— Lathelennil Niśven, le troisième frère, murmura-t-elle en fixant le susnommé. Bicolore comme Arawn le Noir-et-Blanc, mais pas du bon côté... Quel terrible caprice de Mère Nature a pu vous donner une si vilaine robe ?
Lathelennil, qui avait courbé la tête et posé un genou à terre devant Mana, releva ses yeux noirs d'un air défiant, dissimulant son déplaisir par un mauvais sourire.
— Ma mère a fait venir un nombre incalculable de mâles dans son lit pendant la conception de sa portée, Magnificence. Deux de mes frères et ma défunte sœur ont hérité de la chevelure de jais du premier, alors que mon dernier frère, Aeluin, a hérité de la robe claire d'un autre amant. Pour ma part, j'ai reçu un peu des deux.
— Deux pères, donc, observa Mana. Et pourquoi venez-vous me voir, Lathelennil aux Deux-Pères ?
De là où je me tenais, je pouvais voir que ce dernier grinçait nettement des dents.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...