Chp 5 - Rika : sous les étoiles mortes (6)

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Je profitai de l'abri de notre étape du soir – dans un arbre, comme la veille – pour remercier Lathelennil. Ce dernier avait défait les plaques supérieures de son armure pour inspecter son épaule, un peu malmenée par sa séance de rodéo sur le dos de la créature.

— Merci, Lathelennil, lui dis-je pendant qu'il massait son omoplate.

Le susnommé releva son regard noir sur moi.

— Merci de quoi ? J'ai de bonnes raisons d'agir ainsi.

Je hochai la tête. Certes. Le geis qu'avait posé Ren sur lui.

Les enfants avaient passé la soirée à se raconter encore et encore l'histoire du fauve, grossissant les faits à chaque fois. Dans la troisième version, Lathelennil avait assommé la bête à coups de poings. Dans la quatrième, c'est moi qui avais extrait le cœur... Caëlurín, qui s'était pourtant fait réprimander par Lathelennil, avait même eu droit à un compliment de ce dernier pour son opportunisme.

— C'est bien, l'avait-il félicité en lui frottant les cheveux. Tu iras loin. Tiens... Regarde ce que j'ai gardé pour toi.

Un bout du cœur du fauve.

— C'est une viande au fumet puissant, qui a beaucoup de goût. De la viande pour les mâles forts, les femelles féroces. Ce n'est pas sûr que tu aimes... Tu es sûr que tu en veux ? avait insisté Lathelennil en le fixant dans les yeux.

— Oui, oui, s'il te plaît, j'en veux ! avait supplié Caëlurín.

Lathelennil lui avait donc donné le morceau. Caëlurín avait fait semblant de se régaler, même s'il avait eu du mal à l'avaler. Mais il voulait apparemment passer pour un mâle fort et féroce.

Le blason de « l'oncle Lathé » avait été redoré par les exploits survivalistes de ces deux derniers jours. Je voyais bien que mes enfants l'adoraient, et le contemplaient avec admiration. C'était le comble, quand même !

Pour les aider à s'endormir, leur oncle leur raconta même une histoire, dans laquelle il était question d'un orc né dans une famille humaine, bien laid mais au cœur courageux. Pour venger sa sœur humaine victime d'un tour cruel (on avait remplacé sa tête par celle d'un daurilim), l'orc était parti dès le lendemain dans le repaire de ses frères de race et les avait tous massacrés.

— Est-ce qu'il a rendu sa tête à sa sœur ? demanda Cerin. Est-ce qu'elle est redevenue telle qu'elle était ?

Lathelennil secoua la tête.

— Non. L'humaine resta daurilim, et mourut daurilim, incapable de se défaire de ce sort. Mais son frère garda sa tête et la mit dans une jolie boîte, couronnée d'une tresse de fleurs jaunes. Quelle est la morale de cette histoire ?

— Les orcs sont méchants ? proposa Nínim.

— Non. Le héros de cette histoire est un orc, et il aimait sa sœur... Alors ?

— Moi je sais ! tenta Cerin. Chacun doit rester chez soi.

— Non... Qui d'autre ?

Alors, Caëlurín prit la parole.

— Il faut toujours se venger de ses ennemis, asséna-t-il avec conviction.

Lathelennil sourit, une lueur impie dansant ses yeux sans fond.

— Exactement. Même si ça doit prendre des années, des siècles... Il ne faut jamais laisser une offense impunie.

Caëlurín bailla, satisfait. Il se lova contre le ventre de Lathelennil et, après avoir regardé son monde d'un air content, les yeux mi-clos, il s'endormit. Il fut bientôt imité par Nínim et Cerin, qui commentèrent l'histoire à mi-voix avant de tomber de sommeil, l'un en face de l'autre. Le petit Killyann, qui ne me quittait plus, restait éveillé, ses grands yeux fixés sur le ciel, son doudou précieux serré contre lui.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant