Chp 1 - Rika : le monde ténébreux des cités sans fenêtres (1)

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Royaume de Dorśa, Neuvième Cour d'Ombre

Autremer


L'ennemie la plus implacable que tu n'auras jamais dans l'univers, m'avait avertie Mana. Et moi, croyant à tort que c'était elle qui me voulait du mal, j'avais échoué à prendre cet avertissement en compte.

Tanit, que nous avions accueilli parmi nous sur l'Elbereth, avait laissé mes petits se faire enlever et l'un d'eux se faire tuer. Tout cela, sous ses yeux perfides ! Elle avait volé le cristal mémoriel de Ren pour effacer tout souvenir de mon existence de sa mémoire, et pour finir, elle m'avait vendu aux seigneurs pirates de Dorśa, le plus épouvantable endroit au monde, une espèce d'île de la Tortue gothique où j'étais soumise aux mauvais traitements et aux humiliations quotidiennement. Supporter la présence de Tanit et la traiter comme une supérieure représentait probablement le summum de ma peine.

Le maître qui m'avait achetée répondait au nom d'Uriel Niśven. C'était un ældien froid, méprisant, morose et surtout, incroyablement cruel. Pour le moment, la présence de Tanit le distrayait plus que la mienne. J'avais été reléguée au rang le plus bas des aslith, ceux destinés à servir les plats et à récurer le sol dans une tour glaciale, car Uriel ne m'avait pas jugée digne de servir comme « esclave de chair » (il me trouvait, selon ses propres dires, « petite, maigre et insignifiante ».) Surtout, il ne croyait pas Tanit lorsqu'elle lui disait que j'avais été l'esclave de Ren. Visiblement, il connaissait sa réputation, et cela n'était pas celle d'un hédoniste... Ren, avant de me connaitre, avait vécu sous la stricte discipline d'Æriban, méprisant le plaisir charnel et le recours aux aslith humains. Et même si ce constat me brisait le cœur (Ren m'avait oublié), cela m'avait permis de survivre, en dépit des tentatives constantes de Tanit pour qu'il m'arrive les pires malheurs.

— Une aslith d'une rare outrecuidance, et n'ayant aucune conscience de sa condition d'être inférieur, avait-elle raconté à Uriel le premier jour. Pourtant, elle était extraordinairement bien traitée dans le cair où je vivais avec mon compagnon. Mais, dès qu'elle en a eu l'occasion, avec une autre humaine qui était là en tant que nourrice, elle a fomenté un complot et volé nos petits pour les vendre aux humains. Mon dernier, un adorable mâle aux jolis yeux verts, est mort dans l'aventure. Quant à mon consort, Ar-waën Elaig Silivren, il a perdu la mémoire lors du combat l'opposant aux humains pour me défendre, et oublié tout souvenir de moi, sa femelle !

Alors que je rongeais ma lèvre de rage (la menace de me faire arracher la langue était suffisamment dissuasive, à cet égard), le « seigneur » Uriel, sombre et hiératique dans son armure noire, écoutait la fable de Tanit d'un air égal, un pli méprisant sur sa bouche cruelle. Hormis la souffrance de ses esclaves, peu de choses l'amusaient. Du bout de ses longs doigts bardés d'iridium, il tenait une coupe remplie de la boisson officielle des nobles dorśari : du gwidth mélangé à du sang.

— Silivren ? avait-il répliqué en levant l'un de ses fins sourcils noirs. Tu parles de l'As sidhe mythique, le champion invaincu de l'arène du darsaman ? Tu prétends que c'était ton consort ?

— Nous étions liés par la Bénédiction de Narda, murmura Tanit en baissant les yeux avec une de ces mines faussement virginales dont elle avait le secret.

Uriel ne s'y était pas trompé. Il ricana brièvement, et expédia son verre, avant de le jeter au sol où il roula avec un bruit métallique. Un sluagh rampa pour le ramasser, se hâtant de se mettre hors de la portée de son maître qui arborait une si malicieuse humeur. Aussitôt, un autre se présenta avec un autre verre, qu'Uriel saisit et huma d'un air connaisseur.

— Un mélange d'ichor humain, Votre Sombritude, le renseigna le sluagh qui faisait office de sommelier. Celui d'une jeune femelle n'ayant jamais enfanté, mêlé à un vin de champignons de la faille noire, du meilleur cru.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant