Chp 25 - Isolda : la pierre verte (1)

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Navire Elbereth, orbite du Ráith Mebd


La voix grave et chaude du semi-orc résonna dans la pièce.

— Alors ? Tu as pris ta décision ?

Isolda n'osa pas relever le visage vers Śimrod. Pas après ce qu'elle avait entendu de la bouche d'Innafay.

— Oui. Je vais rester.

— Tu es sûre ? Je peux t'amener où tu veux. Je te l'ai dit.

Isolda garda le silence.

— Vous pouvez me rendre ma pierre ?

Śimrod eut l'air d'hésiter. Puis, lentement, il la tira de son shynawil.

— Voilà.

Isolda la récupéra sans remercier. Mais au moment où elle allait retirer sa main, Śimrod referma la sienne.

— Tu ne m'as toujours pas dit où tu avais eu cette pierre, dit-il sombrement.

— Je l'avais dans ma main lorsque je suis née. Je m'en suis rappelée grâce à Innafay.

— Innafay ?

— Oui. Elle m'a tout raconté. Tout.

— Tout ? C'est-à-dire ?

— L'histoire de cette pierre.

Śimrod s'assit lourdement sur un coussin. Un coussin minuscule, pour son impressionnante silhouette.

— Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

— Que cette pierre appartenait à Ardaxe. Le fondateur de leur guilde, un ancien gladiateur qui avait eu une illumination dans l'arène et avait vu la fin du monde. Et que c'était votre meilleur ami, votre frère de sang.

— Ardaxe était mon meilleur ami, c'est vrai, répondit Śimrod d'une voix enrouée. Jusqu'à ce qu'il me trahisse !

— D'après Innafay, il vous est resté fidèle jusqu'au bout, murmura Isolda en faisant rouler la pierre entre ses doigts, sans regarder Śimrod.

— Pour l'Aleanseelith, Ardaxe est un dieu, grogna le semi-orc. Jamais ils n'admettront qu'il ait pu faire des erreurs... ! mais il en a fait. C'était un idéaliste, avec une grande vision, qui ne supportait pas l'injustice de notre société et qui a voulu y remédier à sa façon. Au départ, sa troupe était un groupe d'amis, les gladiateurs avec lesquels nous risquions notre vie dans l'arène pour le plaisir égoïste des puissants. Puis il y a accueilli tous les exclus, ceux qui n'avaient aucune valeur : les estropiés, les sans-caste, les sans famille, sans nom, sans femelle et sans clan. J'étais semi-orc, donc banni de toutes les institutions ældiennes, et Ardaxe, lui, avait été castré tout petit par un maître cruel qui le trouvait trop laid pour avoir le droit de se reproduire. Mais jamais il ne se décourageait, et prenait toutes les vicissitudes, même son handicap, avec un humour ravageur. Il se moquait de tout, même de lui-même... et c'était un redoutable combattant. Il a survécu toutes ces années, et puis un jour... face à un ennemi plus fort, il s'est incliné. Au moment où son adversaire allait le tuer, il a fait une configuration. La toute première. Quand il est revenu à lui, toute l'arène était vitrifiée. Il nous a dit qu'il avait été « possédé » par le fils de Lethë, une sældar à l'origine de la lignée khari, et que ce dernier lui avait révélé la fin du monde. À partir de là... il a changé. Je l'ai suivi dans ses délires pendant quelques temps, parce que c'était mon ami, mais quand l'Aleanseelith a trop grossi, et qu'il s'est mis à accepter des missions d'assassinat pour se financer, j'ai coupé les ponts. Il n'a pas supporté... et il s'est vengé.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant