Temple de Naeheicnë, Cour de Mebd
Les fièvres pourpres. Un signal présent dans le corps de chaque mâle ædhel, réglé sur un astre qui n'existe plus... mais dont les effets sont bien réels. Il suffit de voir ces aios en transe dans le sanctuaire du Père de la Guerre pour réaliser que jamais aucune loi, aussi coercitive soit-elle, régime végétarien, douce musique ou programme de méditation n'effacera ça de notre ADN. En dépit de siècles d'indolence et de nourriture sans goût, les sujets d'Edegil ont le sang échauffé par le combat. Il a suffi d'une bataille et de la présence d'une jeune femelle en armure parmi eux pour les rendre prêts à se lancer sur les humains, tous crocs dehors, à la suite de mes chasseurs que j'ai déjà envoyé là-bas pour les occuper.
Angraema. Les ravages qu'elle ferait à Ymmaril, celle-là... tous les chefs de clans se disputeraient ses faveurs, espérant lui faire mettre au monde le prochain prince Niśven, et accéder ainsi à une position plus proche du pouvoir. Sans compter Fornost-Aran lui-même... comment réagira-t-il, en la voyant ? Car il la verra un jour, c'est sûr. Le sang noir dans les veines d'Angraema a commencé à s'exprimer. Elle porte déjà l'une de nos armures, le glyphe et le symbole de notre lignée sur elle. Un jour très proche, elle voudra voir la Cité Noire, le palais. Mon grand-oncle compte là-dessus, tapi dans les ténèbres comme une vieille araignée rusée. Il l'attend. Et là... il lui suffira de la mettre en enceinte, la gardant captive des couloirs sertis de vitraux qui ne s'ouvrent jamais, et il aura enfin un nouveau corps parfait à sa disposition, comme il l'a toujours voulu.
Sauf s'il meure avant. Et j'ai l'impression que ses jours sont comptés. Car je l'ai décidé ainsi.
Un jeune sidhe au regard insolent me passe devant, le panache déployé comme à la parade. Ses yeux brûlants passent sur moi, s'attardant sur le couteau que je suis en train de faire tournoyer dans ma main pour tromper mon indécision. Je n'ai toujours pas décidé ce que j'allais faire. Le portail est juste là, miroitant, derrière... il est d'usage de le laisser activé lors de ces cérémonies pour être en liaison avec tous les autres temples, même si on sait qu'aujourd'hui, il n'y en a plus. Je pourrais rabattre ma capuche et marcher au milieu de cette assemblée de mâles qui puent le luith pour le traverser tout droit. Mais pour aller où, et pourquoi ? À ma connaissance, ce temple est le dernier en dehors de Dorśa. Ceux des temples d'Urdaban ne fonctionnent plus. Traverser celui-là me ferait arriver droit dans les arènes d'Ymmaril... ce qui n'est pas vraiment ce que j'ai prévu pour le moment, seul et quasi-désarmé.
Et puis, pourquoi faire confiance à l'Aleanseelith ? On s'était quittés en très mauvais termes, eux et moi. Je ne dois pas sous-estimer leur rouerie, ni écarter l'hypothèse que cette « prophétie » soit un plan de secours de Syandel pour se venger de moi... Je sais que ces bardes ne me portent pas dans leur cœur, et c'est réciproque.
Mais Silivren. Silivren, lui, est le seul ædhel que je connais incapable de mentir. C'est notoirement connu. Oh, il peut le faire par omission. Mais pas de manière directe. Et sa manière d'insister pour que je fasse ce que voulait Innafay... on aurait dit qu'il voulait me faire passer un message. Et quelque part, il y a eu une compréhension mutuelle et immédiate, entre nous.
Parce qu'on joue tous les deux du clairśeach. Et qu'on aime une humaine, qui nous aime en retour.
Tout ce qu'on pourrait faire par amour...
Comme Lathelennil, prêt à risquer sa vie – et son âme, si on en croit les superstitions – par amour pour Rika Srsen. Rizhen, dont le principal objectif, depuis le début de toutes ces mésaventures, est que je devienne assez puissant pour lui donner l'occasion de tirer son Enya du harem de Nazhrac (on sait qu'il ne lui a rien fait, car les aslith formées comme elle aux arts de l'amour avec un ædhel sont prisées). Ou moi, qui attend le bon moment pour frapper et pouvoir, moi aussi, revenir auprès de ma femelle, et l'installer dans le palais vidé de Fornost-Aran, où nous mènerons une parfaite petite vie de famille, notre fils jouant aux pieds du trône.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science-Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...