Uriel – que j'appelle plus souvent « oncle » que « cousin », par rapport à son âge et son rang dans la fratrie – me reçoit dans sa salle d'apparat, là où il inspecte habituellement trophées et prisonniers. En entrant dans l'immense hall, je jette un œil prudent sur sa garde orc, qui s'aligne de chaque côté de son trône, tout muscles dehors et hallebarde massive à la main.
Il se méfie de moi, réalisé-je.
— Neveu, grogne-t-il, annonçant tout de suite la couleur de l'entretien.
Je m'avance jusqu'au pied de son trône et pose un genou à terre, la main sur le cœur.
— Mon oncle.
— Comment s'est passé ta petite excursion chez les adannath ? Tu as passé un bon séjour en leur compagnie ?
Je me mords la lèvre, hésitant entre deux réponses.
Soit il est au courant des « rumeurs », soit il ne l'est pas. Donc soit je tente de lui mentir – ce qu'il déteste -, soit je lui dévoile une carte majeure dans mon jeu...
— J'ai pitié de toi, cousin, tranche-t-il en se massant le front, donc je vais t'épargner de lentes et douloureuses tergiversations. Je suis au courant pour ton bâtard demi-sang. Je présume que tu ne le vois aucunement comme un héritier au trône d'obsidienne ?
— Aucunement.
— Jamais un perædhel ne commandera la Première Légion, grince Uriel entre ses crocs serrés, comme si je n'avais rien dit. Jamais, même s'il ne devait rester aucune femelle Niśven dans l'univers. C'est clair dans ta tête ?
Il fera le Choix de renoncer à sa part humaine, sombre imbécile, ai-je envie de lui cracher.
Mais ce n'est pas le moment.
— Très clair, Oncle.
— Bon. Alors les arghad de tes orcs qui hurlent « Zambakh ar Cyann, Dorśa an Araneneg » à chaque fois qu'on prononce ton nom à Urdaban, il faudra que tu trouves un moyen de les faire taire. C'est revenu aux oreilles de l'Obscur, et il est furieux. S'il savait que tu te trouvais là... Je ne donnerais pas cher de ta peau, Tamyan.
Ils connaissent son prénom.
— Je ne savais rien de tout cela, grommelé-je. En réalité, je suis venu...
Uriel me coupe la parole.
— Urdaban a été fondée par ton père. Une grande partie des urdabani sont encore fidèles à Uhran : pour eux, la naissance de son petit-fils, le « nouveau prince d'Ombre », comme ils disent, est un miracle, un signe... tu sais comment ils sont, toujours à se raccrocher à de stupides prophéties, de bêtes superstitions ! Les théories les plus farfelues circulent sur ton gamin : on le dit incarnation d'Asvgal, de Naryl, d'Adhamu, même... C'est une insulte à la pureté de notre lignée, et surtout, à mon frère, Fornost-Aran.
Mon fils est un pur Niśven, faillis-je lui rétorquer. Pas une goutte de blanc dans sa robe.
Mais je ravale ma fierté. Pour Cyann. Si Uriel, ou une autre personne de ma famille, posait les yeux sur lui, il aurait envie de le tuer sur le champ. Les rivaux ne sont pas tolérés, dans le clan.
— ... Je venais juste m'enquérir de la manière dont je pouvais t'être utile, mon oncle, grogné-je, la tête baissée mais les yeux relevés sur lui. Mon second, Nazhrac, s'est emparé de ma chasse. Je suis venu pour le défier, et...
— Si tu veux être utile, retourne à Urdaban et calme cette Yvarna en lui disant que tu n'es pas ce qu'elle croit que tu es, et que tu ne l'aideras pas à obtenir ce qu'elle souhaite. Encore une femelle à qui tu as tapé dans l'œil... mais cela dessert nos plans. Maintenant, va-t-en : j'ai une prisonnière à interroger.
Je plisse les yeux.
— Une prisonnière ?
— Une intrigante qui a nui à ma nouvelle concubine, Dame Daemana. Si tu veux un dernier conseil, neveu : quitte Dorśa. Il n'y a pas que Nazhrac qui veut ta tête, et tu n'as plus trop d'amis, ici.
Je me relève.
Ce n'est pas auprès d'Uriel que je trouverais un appui.
— Je m'en souviendrais. Sais-tu où est Lathelennil ?
Uriel fait un geste de la main, agacé.
— Celui-là, il va, il vient... au gré de ses lubies. Il est en pleine frénésie pré-rut et ne jure que pour une aslith humaine, ma nouvelle intendante... Comme toi, tiens ! C'est une maladie, chez vous, la jeune génération ! Vraiment, ça me laisse pantois. S'enticher d'une adannath... ma petite Tithiniel est intelligente et ambitieuse, certes, impitoyable, parfois, mais ce n'est qu'une créature d'argile... Et le feu brise l'argile. De cette alliance, il ne peut rien sortir de bon... Allez, tu peux disposer.
Je salue brièvement, et tourne les talons. Encore un coup pour rien. Tout ce que j'ai gagné de cette entrevue, c'est un sermon.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...