Le hurlement guttural – qui se changea bientôt en un déplaisant râle – transperça ses oreilles sensibles. La queue étroitement serrée autour de son corps, la tête basse, Círdan se rapprocha discrètement d'Angraema qui assistait à la scène, les poings et les dents serrées, presque les larmes aux yeux. Il fallait qu'il soit fort pour elle, même s'il savait que de voir torturer à mort Tanit – qu'il côtoyait depuis l'enfance – allait lui faire mal.
Pourquoi a-t-elle fait cela ? se demanda le jeune ældien, mal à l'aise. Pourquoi ? Tanit n'avait jamais été mauvaise, auparavant.
La femelle à la chevelure rouge – de la même couleur que celle de son père et lui, ce qui trahissait une lointaine origine commune, celle de Tará, où leurs ancêtres vivaient lorsque le monde était encore jeune – était enchaînée au milieu de la chambre des tortures privée d'Uriel, un lieu dont la seule vue rétractait tous les organes de Círdan. Le jeune ældien détourna les yeux de sa silhouette nue, de ce corps blanc livré à tous les supplices et qui, comme en témoignaient la quantité de mutilations qu'il portait, le sang et l'abondante transpiration sur sa peau, en avait déjà subi beaucoup.
— Elle est résistante ! rapporta une voix toute de cruauté contenue, celle du bourreau au tablier poisseux qui sortit de l'ombre, hachoir en main, pour venir rendre compte à son maître, le dénommé Khror.
C'était un géant. Et un monstre, tout droit sorti du pandémonium, aux yeux de Círdan.
— Et elle aime ça, ajouta-t-il d'une voix grasse, en venant caresser de sa lame la cuisse de sa victime.
Khror avait déjà fait connaître à l'ældienne un nombre important d'ignominies. C'en était trop pour les deux jeunes, et aussi, visiblement, pour Mana.
— Ça suffit, aboya-t-elle en voyant Khror soulever à nouveau son tablier. Elle en a eu bien assez de votre part. Il est temps pour elle de commencer sa nouvelle vie comme témoignage de la gloire de la reine araignée. Vous pouvez lui couper les jambes : le reste, j'en fais mon affaire.
Elle se tourna vers Uriel.
— Avez-vous préparé la salle selon mes instructions, seigneur de mes nuits ?
Uriel déposa un baiser empreint de respect sur les cheveux blancs de Mana.
— Je l'ai fait, ma reine. Mes émissaires se sont rendus dans votre soute, et ont rendu hommage à cette magnifique arachnide qui y a fait sa toile. Mes Sœurs-du-Rouge l'ont ensuite escortée dans le donjon principal, où elle vous attend pour la cérémonie.
— Mère ! s'écria Angraema. C'était donc ce que vous cachiez dans la soute nëldë ?
— Tout à fait, sourit vicieusement Daemana. La carcasse de wyrm que j'ai utilisée pour faire mon cair contenait quelques œufs d'araignées stellaires, intacts. Ils ont éclos, et des petits qui en sont sortis, seule la plus forte à survécu aux combats, comme il se doit. Ma fille, tu m'assisteras. Il est temps que tu apprennes les secrets de Lëthë, toi aussi.
Círdan sentit tout le corps d'Angraema se tendre.
— Non Mère, je n'y assisterai pas. Ces tortures abominables me révoltent ! Je préfèrerai que vous portiez le coup de grâce à cette malheureuse, à présent.
La reine khari plissa les yeux.
— Comment ? Mais pourtant, rappelle-toi que...
Un rire atroce couvrit la voix de Mana, qui s'apprêtait à morigéner sa fille.
C'était Tanit. Elle riait à gorge déployée, secouant son corps supplicié sur les chaînes.
La malheureuse a perdu la raison, réalisa Círdan. Et il y avait de quoi.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...