Voler à dos de wyrm est un plaisir rare, réservé à une petite poignée d'élus. Je vois les visages se lever vers moi alors qu'Anarion tournoie entre les pyres d'obsidiennes, sa silhouette chiroptérienne se découpant sur l'argent de la lune. Je fais un tour ou deux à basse altitude pour laisser les gens m'admirer. Qu'ils voient ma crinière soulevée par le vent, mon visage découvert. Qu'ils s'habituent à celui qui sera bientôt leur nouveau monarque.
— Regardez ! C'est Tamyan Niśven ! Il est revenu d'exil...
— Sur un wyrm !
— Il porte le plastron de la Première Légion !
Je regrette que Faël ne puisse assister à ce triomphe. Mais déjà Anarion atterrit sur la plateforme, où m'attend un sluagh au visage raide.
— Vous deviez arriver par le bas, Seigneur Tamyan, grince-t-il, mécontent.
Et j'arrive par le haut. Quel symbole... Ici, je suis directement à la salle du Trône. Nul besoin de me taper d'immenses corridors et d'interminables escaliers, autant de chausse-trappes où les sbires de mon oncle peuvent m'attaquer.
— Mon dragon avait besoin de se dégourdir les ailes.
Anarion grogne dans mon dos.
— Dégourdir les ailes ! Alors que c'est toi qui m'as supplié !
Heureusement, seuls les princes-dragons parlent le draconique, la langue des wyrms. Le sluagh n'entend qu'un grognement.
— Suivez-moi, m'indique l'intendant en ramenant ses longues mains blafardes dans ses manches.
— On se retrouve tout à l'heure, murmuré-je en draconique à Anarion. Si tu es encore là quand je reviens, tu auras une récompense.
— J'y compte bien ! rugit-il, poussant le sluagh à accélérer.
Le Palais Noir. Revenir ici, après des siècles d'exil, me hérisse les cheveux sur la nuque. Mais ce sera bientôt mon domaine, et celui de Faël. Je dois m'approprier ces lieux, m'y habituer.
— L'Obscur est en son harem, me prévient l'intendant. Il ne vous recevra pas avant un certain temps.
Je ronge mon frein. Je connais Aran, et je sais qu'il n'est pas en train de se faire masser le skryll par ses aslith. Il est tranquillement dans ses appartements, en train de savourer du gwidth, les yeux sur une meurtrière d'où il a observé mon arrivée. Assister à ce déploiement de puissance lui a déplu, et il veut me le faire payer. Qu'à cela ne tienne.
— Très bien. Faites-moi porter du gwidth dans les jardins, j'attendrai là-bas.
— Le Prince des Ténèbres a été très clair : il veut que vous attendiez dans la salle du trône, face contre la dalle, en posture de supplication, afin de montrer votre reconnaissance d'avoir été autorisé à revenir à la Cour.
Le vieil enfoiré... il ne perd rien pour attendre. Ce sera rendu au centuple le moment où je le détrônerai.
Mais je dois obéir. Pour l'instant. J'entre donc dans la salle cyclopéenne, ploie les genoux sur la dalle d'obsidienne, faisant grincer l'acier de mes genouillères dans l'immensité vide. Je remarque le plastron fondu de l'armure de mon père, posée là. Aran... ce salaud l'a ressortie à dessein, pour me rappeler ce qu'il pense être ma place.
Qu'importe. Il paiera pour ça aussi. Je m'allonge sur la dalle froide, et j'attends.
Longtemps.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Fiksi Ilmiah"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...