Pangu, colonie agricole
J'ai du mal à laisser Tamyan au lit ce matin. C'est de plus en plus dur de quitter ses bras. Quand je suis avec lui, j'ai la sensation d'être dans une espèce de bulle, de cocon dans lequel toutes les autres préoccupations sont abolies. L'heure qu'il est, ce qui se passe dehors : j'oublie tout. Son odeur suave et musquée, la basse de son ronronnement, la chaleur épicée et rocailleuse de sa voix qui murmure des choses à mes oreilles, la douceur de sa longue chevelure, étalée sous moi comme une couverture. C'est quand je n'y suis plus que je réalise, libérée de son maléfice. Quand je le vois allongé nu comme maintenant, le corps encore marqué de ce qu'il m'a demandé de lui infliger, avec le sang séché au coin de ses lèvres. Qu'il repose, repu de sang et de sexe, ses longs cils noirs brossant sa joue pâle. Ce monstre au visage d'ange. Cet ange déguisé en bête.
*
À l'hospice, j'ai moins l'impression d'être au centre de l'attention que la semaine précédente. Les gens semblent avoir oublié le massacre des troupeaux, la battue, et même les ældiens qui vivent chez moi. La vie a repris son cours. Tant mieux.
Je lance un bref sourire à Haroun lorsqu'il entre dans le bureau.
— Tiens ! dit-il en enlevant ses gants. Tamyan est venu me rendre visite, il y a quelques jours.
Tamyan. Dans la bouche de Haroun, tout de suite, ce nom allume un signal d'alarme.
— Quoi ? demandé-je en me retournant lentement, la voix blanche.
Mes yeux inquiets se posent sur mon ami d'enfance. Il a l'air intact : aucune trace de blessure visible, de douleur quelconque. Et il me sourit. Mais cela ne veut rien dire. Tamyan est peut être venu le voir pour lui lancer un défi en bonne et due forme, avec l'idée de le mettre à mort plus tard.
— Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
— Il voulait que je lui apprenne à faire le couscous. Je l'ai donc amené chez moi, et maman lui a montré sa recette.
Haroun a ramené Tamyan chez lui. Et sa mère, cette sainte femme, lui a appris à faire le couscous... Voilà donc où Tamyan a tiré sa délicieuse recette. Et moi qui craignait qu'il l'ait arraché à un captif de New Eden par la torture... C'était ça, son « petit secret ».
Tamyan. Jamais là où on l'attend.
— Ta mère n'a rien dit en le voyant ?
Oh, comme vos oreilles sont pointues. Comme vous avez de grandes dents !
C'est pour mieux te manger, mon enfant.
— Tu sais bien qu'elle n'y voit plus très clair. Et Tamyan s'est montré très poli avec elle. Il nous avait amené des baies, des fruits des bois, de très belles fourrures, et même un tissu brodé vraiment magnifique, qu'on va garder pour le mariage de ma sœur. Il s'est montré très agréable, aimable, même.
Je regarde Haroun de côté, circonspecte. Tamyan, aimable avec les humains ? Il y a de quoi se méfier.
— Si tous les ældiens étaient comme lui, ajoute-t-il, il n'y aurait pas de guerre dans la galaxie.
Je ne peux pas m'empêcher de frissonner. Tamyan fait partie des pires ældiens, ai-je envie de lui dire. Mais si je lui dis ce qu'a fait Tamyan... il m'en voudra. Me jugera. Me trouvera lâche, ce que je suis en vérité.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...