Tour Ynnaid Ithil, Royaume de Dorśa
Un palais de glace, de ténèbres et de vent. Des couloirs silencieux, des ogives gélives, une arche de verre aussi délicate qu'un chandelier de cristal. Des lieux qu'on ne peut qu'arpenter comme un fantôme, une âme en peine, à la recherche d'un temps pour toujours évanoui. Ce château est aussi froid et magnifique que les castels enchantés des contes de fées, ceux que me chantait ma sœur. Mila. C'est grâce à elle si je suis ici, si j'ai survécu... grâce au savoir sur eux, qu'elle m'a transmis.
Allons, ma reine, dans un grave silence, courrons après l'ombre de la nuit.
Cette phrase, entre toutes les chansons de Mila, m'avait marquée. Il n'y a que maintenant que je la comprends. C'est ce que Tamyan me chuchote à l'oreille constamment. Que je courre dans la forêt noire avec lui, vers une ombre, un but insaisissable.
Mes pieds nus s'enfoncent sur le tapis rouge sang. Au détour d'un couloir, au cours capricieux de mes errances, un vitrail fait éclater sa myriade de couleurs sur sol, figurant un wyrm qui dévore un chevalier sur le marbre même. Je continue mon périple vers l'immense salle à manger, au décor évoquant les temps les plus médiévaux, avec ces armes archaïques sur les murs, lances aux courbes cruelles, masses de guerre, trophées de mille et une batailles, pièce au centre de laquelle se dresse le superbe arbre-lige à fruits écarlates de Tamyan. Je prends place à un bout de la longue table, juste sous le tableau mutilé de traces de griffes qui représente sa mère, et attend que les serviteurs garnissent mon assiette, ce qu'ils font avec diligence.
Je mange machinalement, sans appétit, les yeux levés sur le portrait de l'ældienne lacéré, avec sa rivière de cheveux noirs et sa robe rouge à longues manches. Dame Nascara : c'est ainsi qu'elle s'appelle. Tamyan me l'a dit, du bout des lèvres, alors que nous nous tenions devant elle, moi dans la prison jalouse de ses bras, lui, enfermé dans celle de ses souvenirs. J'ai compris qu'il n'aimait pas parler d'elle. Une seule phrase lui a suffi pour me la raconter : Après la mort de mon père, elle est devenue la prostituée de Fornost-Aran.
Le tyran qu'il est parti voir. Celui qui peut le tuer.
Des pas martiaux résonnent sur les dalles. Rizhen entre et salue, la main sur le cœur.
— Dame Faël. J'espère que la nuit dans les bras de notre maître vous a été douce comme du sang coupé au miel. Vous lui avez beaucoup manqué.
Oui, c'était doux, comme du sang coupé au miel. Mon sang qui coulait sur la langue de Tamyan, le sien qui coulait sur la mienne. Cet échange d'ichor dont ni lui ni moi ne pouvons nous passer.
— Merci, Rizhen, articulé-je du bout des lèvres.
— Pas de tels mots entre nous, as-ellyn. Je n'ai qu'une hâte : pouvoir coucher ma concubine sur les draps de mon khangg à mon tour. Or, grâce aux dernier évènements, nous nous rapprochons de cette échéance.
Enya. C'était l'aslith de Rizhen... pendant tout ce temps, il ne l'a pas oubliée.
Contrairement à ce qu'on dit, les ældiens font preuve de fidélité.
— As-tu des nouvelles d'elle ? demandé-je prudemment.
— Un espion à la solde d'Elshyn me renseigne. Il parait qu'elle va bien. Le parjure n'a pas osé la maltraiter : apparemment, il prévoie de s'en servir comme levier de négociation pour que je réintègre la chasse, une fois Tamyan éliminé dans l'arène.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...