Vaisseau amiral Mercor, orbite de Pluton, système de Solaris
— Le seigneur Uriel vous demande, fit la voix coassante et affectée du sluagh préposé à mon service.
Réprimant un juron, je roulai sur mon lit. Uriel étant de loin le patron le plus pénible que je n'avais jamais eu, j'avais peu de temps pour profiter du confort de mon nouveau lit. Immense, recouvert de coussins dorés, de draps de velours violine, et de rideaux de gaze soyeuse entre des colonnades à pampilles, ce lit me faisait de l'œil toute la journée, alors que j'étais occupée à écouter les doléances d'Uriel et ses échecs successifs auprès de la terrible Mana.
D'esclave qu'on torture, j'étais passée kapo en chef, avant d'être appointée conseillère matrimoniale d'un cruel monarque ældien. Quelle carrière ! J'en arrivais à regretter l'époque où je vissais des boulons dans les conduits d'aération du DEA.
Je me plantai au milieu du tapis taillé dans la peau de quelque exogène conquis qui trônait au milieu de ma chambre et écartai les bras. Une armée d'eyslyns se précipita pour m'habiller, me maquiller et m'adorner. On s'habitue vite à être servie. Mes cheveux, par la grâce d'une potion que l'apothicaire personnel d'Uriel avait préparé à mon intention, avaient atteint une longueur que je n'avais jamais connue. Ils furent relevés, coiffés, tressés et agrémentés de bijoux divers. On plaça enfin un cercle de mithrine sur ma tête, au bout duquel s'accrochait une unique gemme, pendant sur mon front. Ainsi parée, je fus conduite au chef suprême.
Ce dernier n'avait pour sa part même pas pris la peine de se faire beau. Il portait encore ses vêtements de nuit, largement ouverts sur sa poitrine d'albâtre, laissant voir son cœur béant, d'une vilaine couleur noire. Ses longs cheveux d'onyx pendaient, désordonnés, alors qu'il fixait l'espace d'un air las. Alignés en sombre et sinistre formation, qu'aucune flotte n'aurait aimé croiser, se profilaient les vaisseaux de guerre de ses armées.
— Uriel, commençai-je d'un ton volontairement sévère, en allant droit vers le flacon de gwidth. Allez- vous habiller. Imaginez que Mana décide de sortir de ses appartements et qu'elle vous trouve dans cet appareil ?
— C'est comme ça qu'elle me verra tous les matins en se réveillant si l'univers entend mon chant de supplique, répliqua Uriel d'une voix grave, le regard toujours posé sur la baie.
— Certes. (D'un geste, je tendis mon verre au sluagh qui s'était précipité pour me servir). Non, sans sang, pour moi.
Puis, prenant le verre que le serviteur avait rempli pour mon maître, j'allai le lui porter. Uriel appréciait ce genre d'attentions. Il le prit machinalement, baissant les yeux sur moi, l'humaine qui était devenue sa conseillère dans son siège de la forteresse Daemana.
— Croyez-moi, il faut un peu d'amadou au départ, pour faire partir une relation. Allez-vous habiller. Puis autorisez-moi à rencontrer Mana. Vous allez voir que tout ira plus vite.
Uriel me regarda.
— Et si, après votre entrevue, elle demande à partir avec toi ? Je ne pourrais pas le lui refuser. Je perdrai alors la plus capable de mes gens, et la dame qui occupe toutes mes pensées.
— Mana n'est pas stupide. Elle sait qu'elle a besoin de vos armées pour délivrer ses filles des griffes orcanides.
— Sauf si elle retrouve Silivren, grinça Uriel en trempant ses lèvres dans le nectar pourpre.
— Mais elle ne sait pas où il se trouve, pas plus que moi d'ailleurs. Faites-moi confiance, un peu. Vous ai-je déjà trahi ?
Uriel me regarda, plantant ses pupilles noires et brillantes dans les miennes.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...