Palais d'Ænaël Uhran, royaume de Dorśa,
Face cachée de Pluton, système de Solaris
Le bruit des rideaux me tire du sommeil. Les rayons crépusculaires de la lune étrange qui règne sur ces terres flottent sur la couverture, reflétant la mosaïque de couleurs du vitrail.
— Je vous ai réveillé, ard-ælla ? s'incline le serviteur qui vient d'ouvrir les rideaux. Si vous souhaitez me punir...
— Ça ira, merci, murmuré-je.
Il baisse la tête et s'éloigne.
C'est ça qui est le plus dur, ici. Être servie par d'autres humains, esclaves. On les appelle les fynasyn. Des humains qui sont prisonniers depuis si longtemps déjà qu'ils ont oublié jusqu'à leur nom, leur origine. Leurs yeux sont entièrement noirs, leurs dents taillées en pointe, leur peau pâle, et leurs appétits, aussi sombres que ceux de leurs maîtres.
Le bras de Tamyan s'enroule autour de moi. Il me tire à nouveau dans l'immense lit.
Je me love contre lui, accepte ses caresses, ses baisers. Me réfugie dans la bannière de jais, l'odeur d'encens de ses cheveux.
J'ai besoin de lui plus que jamais. Car mon cœur est vide, et ne se remet pas de la perte de notre enfant.
— Alors ? murmure-t-il en plantant ses yeux noirs dans les miens. Comment ma reine a-t-elle trouvé cette première nuit ?
La veille, me faisant franchir neuf cercles de flammes bleues, il m'a amené ici, dans le palais de sa famille. Sa victoire éclatante contre les troupes républicaines, le prestige que son alliance avec une autre Cour ældienne lui a apporté... le fait qu'il ramène l'armée à Uriel et n'attaque pas le cité. Tout cela l'a fait monter en grade, et il a gagné le droit de se réinstaller dans la tour de son père. Un palais froid et gelé, dans lequel tous les serviteurs étaient endormis, figés dans la glace. Tamyan a accompli un rite ancien sous un arbre gélif qui déployait ses branches noires dans la grande salle, faisant couler son sang sur l'écorce givrée, et ils se sont tous réveillés un à un, prêts à le servir.
Notre nouveau territoire. Ce palais de glace et de nuit, environné de hautes montagnes où souffle un vent à fendre les os, sous une lune gibbeuse. Dorśa. Le royaume de la nuit éternelle.
Je ne peux nier qu'il y a une certaine beauté en cet endroit. Mais ce palais est triste, plein de douloureux souvenirs. Tamyan m'a montré le portrait de son père – lacéré par ses ennemis sur ordre de Fornost-Aran -, puis celui de sa mère, lacéré par lui-même. Nous dormons dans sa chambre, celle où il a vécu quasiment enfermé jusqu'à ses douze ans en âge humain, sans voir personne que son maître d'armes, ses parents et un serviteur de confiance, afin de survivre aux nombreuses tentatives d'assassinat. Parfois, je me surprends à me réjouir que Cyann ne soit pas avec nous. Je n'aurais pas aimé le savoir là.
Même si Tamyan m'assure que je ne crains plus rien. Mais le nombre de fois où il m'a dit ça...
J'ai échappé à la mort grâce à lui, et il a presque tué Gerald. Je suis en sécurité, maintenant, parce qu'il ne me quitte plus d'une semelle.
Mais j'ai perdu Cyann. Mon petit garçon.
Tamyan fait tout pour m'agréer, mais je vois bien que, comme moi, il a le cœur brisé. Je ne m'étais pas rendue compte à quel point il s'était attaché à cet enfant. La force de ses sentiments. J'ai longtemps cru qu'il n'en avait pas... quelle erreur de jugement ! Son cœur était juste recouvert de glace, comme ce palais. Et maintenant, il flamboie de rage. Une rage dirigée contre Nazhrac, son ennemi, qu'il compte défier en bonne et due forme. Le retour à Ymmaril après des centaines d'années d'exil est, pour lui, une première étape. Maintenant, il doit obtenir de son roi la permission de se venger de son ancien lieutenant, et de récupérer ses biens.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...