Chp 19 - Rika : les espoirs déçus de Lathelennil (1)

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Vaisseau amiral Mercor, Autremer


Uriel, agacé, tapota de ses doigts gantés d'iridium le champ vitrifié qui l'isolait de l'espace. Je le trouvai d'excellente humeur depuis ce matin, mais la petite insurrection de Lathelennil, parti au combat sans le lui dire, lui avait rendu son caractère irascible, effaçant les bienfaits octroyés par les baisers piquants de Mana.

— Bien qu'il soit mon frère, sa punition sera exemplaire ! lâcha Uriel d'une voix sombre, avant de se tourner vers nous.

Mana, allongée sur le luxueux sofa des appartements amiraux, tendit sa main à l'eyslyn qui peignait ses griffes avec une solution de mithrine liquide.

— Ne soyez pas trop sévère, mon ami, roucoula-t-elle avec un sourire suave. Votre frère est un chasseur impétueux, à qui on vient de retirer le jouet qu'il convoitait. Il est juste – et souhaitable – qu'il se défoule sur quelques morts-vivants.

— Pas en allant contre mon ordre, grogna Uriel, avant de jeter un nouveau coup d'œil à Mana. Mais si gracier ce misérable est votre souhait, alors, je m'incline.

Mana sourit plus largement.

— Pas le gracier, Uriel. Jamais. Je le punirai moi-même, d'une punition de mon cru.

Si Mana pouvait m'en débarrasser... mais cette fois, ce fut au tour d'Uriel de s'inquiéter.

— Pas trop durement, j'espère, dit-il en venant s'asseoir auprès de Mana. Cela reste mon frère, et, même si j'ai grand honte de l'avouer, j'y suis quelque peu attaché. C'était le plus faible de la portée, toujours vagissant : nous nous sommes beaucoup occupés de lui.

Voilà qui explique beaucoup de choses, songeai-je, réprimant un fou rire en imaginant le petit bicolore hurler dans son panier.

— Son panache devait valoir le coup d'œil, ne pus-je m'empêcher de remarquer.

Uriel me regarda.

— Tout à fait : il était magnifique, d'une double couleur inédite. D'autant plus que mon frère l'a gardé tard, sa bichromie n'encourageant pas les partis volontaires chez les ellith. On dit que certains sil-illythirii ont le panache sablé de noir – je crois que c'était le cas de Silivren, si je ne me trompe – mais celui de Lathelennil, portait un superbe motif de damier, noir et blanc. Pour cette raison, un grand nombre d'ard-ælla ont enchéri sur lui.

— Des ard-ælla ? demandai-je. Des femelles peuvent être meneuses de clans, et courtiser les mâles de cette manière ?

— À Kharë et Urdaban, c'était répandu. Deux en particulier, s'affrontèrent pendant des lunes pour décider qui l'emporterait. On ne vit jamais autant de monde dans les arènes qu'à cette époque : il ne se passait pas une nuit sans qu'on entende un exploit accompli par l'un ou l'autre clan, et les trophées glorieux s'entassaient dans notre salle de réception, au pied du pauvre Lathelennil. Il ne le montrait pas, mais il s'inquiétait !

J'avais du mal à me figurer le cruel Lathelennil comme un jeune puceau anxieux. Mais je me gardai de le dire à Uriel. C'était son frère, après tout.

— Finalement, reprit-il, au terme d'une rencontre dans les arènes où elles firent toutes les deux des étincelles, les deux ennemies se tombèrent dans les bras et arrivèrent à un statu quo. Il fut décidé qu'elles couperaient le panache de mon frère toutes les deux, en même temps : l'une tenant un bout du fil prismatique qu'elles comptaient utiliser pour se faire, et la seconde, l'autre bout. Quant au panache en damier, il fut exposé dans les deux clans en temps égal, avant d'être découpé et monté sur le shynawil d'apparat des deux meneuses. Un épisode dont on se souvient encore à Dorśa !

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant