Chp 23 - Rika : le réveil du Père de la Guerre (3)

105 23 0
                                    

Je laissai Círdan à son travail et allais retrouver Ren sur la place du marché où je m'étais rendue avec les petits en sortant de l'audience avec Edegil. Il était affalé dans le sofa d'une auberge avec Elbereth et Dea, en train de siroter du gwidth et d'inhaler une espèce de buée bleue sortant d'un tube. Je me faufilai entre les clients et pris place à mon tour sur un canapé, à côté de mon compagnon.

— Eh bien, tu passes du bon temps !

— Je m'entraîne pour la croisière, me répondit Ren en faisant signe au sluagh de service, qui posa d'office un verre de gwidth devant moi.

— J'espère que tu n'en profites pas pour regarder les belles ellith en petite tenue qui circulent devant nous !

Ren me jeta un regard blasé.

— C'est du même niveau que si je t'avais reproché de regarder les aios nus à la cérémonie de ce matin, répliqua-t-il d'un air digne. Alors je ne dirai rien.

— Je plaisantais, répondis-je en le poussant du coude.

Puis, me tournant vers Dea et Elbereth :

— C'est rare de vous voir quitter le cair, toutes les deux !

— On avait envie de voir à quoi ressemblait le Ráith Mebd, répondit Dea.

— Tu avais envie, précisa Elbereth. Pour ma part, je déteste monter dans le cair des autres.

Cela me paraissait compréhensible. Après tout, ces vaisseaux étaient constitués des corps morts des êtres de son espèce...

— Où sont les enfants ? demandai-je.

— Avec Śimrod et Isolda.

— Qui sont ?

— Partis faire des achats.

Je cherchai le regard de Ren. Je ne lui avais toujours pas parlé du problème posé par ces deux-là.

— C'est bizarre que ton père apprécie autant les gosses, tentai-je. Je n'aurais jamais cru !

Ren fit cligner ses paupières nictitantes, puis son regard aigu fusa sur moi.

— Moi non plus, avoua-t-il.

Je me penchai vers lui.

— Tu crois que c'est à cause des petits perædhil qu'il a perdu autrefois ?

— Quels petits perædhil ?

Je soupirai.

— Ah oui, c'est vrai que tu as oublié tout ça...

Je me sentis soudain découragée. Il y avait des choses que j'allais devoir reprendre à zéro, dont cette discussion.

— Au fait, tu as vu Mana, depuis son arrivée sur le vaisseau ?

— Vite fait, entre deux portes. Mais on ne s'est pas dit grand-chose.

— Est-ce qu'elle est au courant, pour...?

— Oui.

De nouveau, je me tus. Ren tendit la main pour attraper une gorgée de gwidth. Je l'imitai, puis reposai ma coupe.

— As-tu réussi à parler à Tamyan Niśven ? chuchotai-je à nouveau.

— C'est en allant le voir que j'ai rencontré Mana.

— Et alors ?

— Il croit que Círdan est mort. Ou il fait semblant de le croire. Mais il ne va pas rester longtemps ici, de toute façon. Et il a présenté ses excuses pour les préjudices que tu as subi à Ymmaril.

Je penchai la tête, dubitative. Un Niśven qui s'excuse... Ren avait dû inventer ça.

— J'ai hâte de partir, ajouta-t-il.

Je me serrai contre lui.

— Moi aussi.

Elbereth se tourna alors vers nous.

— Voilà ce que j'ai trouvé dans les caisses de revues cochonnes de Louis Wu, annonça-t-elle en jetant un magazine devant nous. Jettes-y un œil, Alfirin.

La couverture représentait des scènes qui firent ouvrir de grands yeux choqués à un ældien à l'air guindé assis non loin, mais cela n'arrêta pas Ren, qui prit le magazine entre ses longs doigts et commença à le feuilleter. Au milieu, entre deux étalages de chair artificielle, il trouva un encart publicitaire holographique qu'il arracha et posa sur la table, avant de rejeter le magazine sur le côté.

C'était une publicité pour une croisière spatiale luxueuse dont le point culminant était la planète Nuniel.

— Eh bien, voilà la preuve que même Amarrigan nous pousse à prendre des vacances, sourit Ren. Et il n'est jamais bon de refuser les injonctions de la Tisseuse des fils du destin !

Visiblement, Ren avait pris sa décision. Très content de lui, il vida son verre de gwidth. Au moment où il se levait pour aller payer, l'ældien guindé à côté de lui désigna de son long doigt élégant le magazine cochon.

— Oh là messire, vous n'en voulez plus ?

Ren secoua la tête, répondant par la négative. Sous le regard dubitatif d'Elbereth et de Dea, l'ældien inconnu jeta un œil prudent autour de lui. Puis, constatant qu'il n'attirait l'attention de personne, il reposa les yeux sur Ren.

— Est-ce que je peux... ? hésita-t-il.

— Allez-y, répondit Ren, généreux. Il est à vous.

Souriant d'un air innocent, il ajouta ceci :

— J'en ai plein d'autres du même acabit sur mon cair.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant