Chp 8 - Rika : le seigneur des épées (3)

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— Les clowns lui ont retourné la tête, statua Lathelennil, les bras croisés sur le lit, dans la cabine qu'on m'avait octroyée. Je suis sûr que si on reste plus d'un cycle à leur bord, ils vont chercher à nous recruter nous aussi, en nous chantant je ne sais quelle fable sur le destin ou l'avenir de la galaxie ! Leur dieu est avide de soldats : ils tombent tous comme des mouches.

— Syandel doit se réjouir d'avoir un ingénieur aussi capable que Círdan à son bord, murmurai-je. D'après ce que j'ai compris, les filidhean sont autonomes pour tout, même ce qui concerne la technologie. Un ingénieur de la trempe de Círdan est plus que précieux à un tel équipage.

— Alors, ils chercheront à me recruter moi aussi, fit Lathelennil sans oser me regarder. Je sais réparer un cair, et fabriquer pas mal de matériel...

Je n'en doutais pas. Mais il avait eu besoin de me le dire. Bizarrement, au lieu de m'agacer, cela me fit sourire. Lathelennil, par certains côtés, était plus vulnérable qu'un enfant.


*


Après le repas et le bain que nous offrirent les filidhean – sans se mêler à nous, quoi qu'ils permirent à Eren et à Círdan de manger en notre compagnie – je me retrouvai seule dans ma cabine, à surveiller sur mon corps d'éventuels signes de la présence de ma portée. Ce fut Cerin qui m'en donna, en venant se coller contre mon ventre :

— De nouveaux frères et sœurs... Je me réjouis, maman !

Nínim vint aussitôt toucher mon ventre et me dire la même chose. Maintenant que les petits savaient, je ne pouvais plus reculer.

Mais Caëlurín, lui, piqua une véritable crise.

— Non ! hurla-t-il. Non ! Je ne veux pas de petits frères et sœurs ! Je ne veux pas être remplacé ! Non ! Je suis encore petit, j'ai besoin de mes parents !

Ce discours me bouleversa. Caëlurín répétait ce qu'il n'avait fait qu'entendre ces derniers temps : ce petit a besoin de sa mère, attention, il est fragile...

Lathelennil, qui dormait dans la cabine à côté, déboula immédiatement, la main sur sa dague.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

Puis, ses yeux tombant sur un Caëlurín en larmes – en tant que perædhel, il savait pleurer – il se baissa et le tint par les épaules.

— Tu ne seras pas remplacé, lui dit-il en le fixant dans les yeux. Chaque ædhel est unique et précieux aux yeux de ses parents. Même moi, avec ma robe de deux couleurs différentes, j'ai été accepté. Alors que dire de toi, avec ta robe rare et ton joli visage ? Tu es amené à un destin unique, tu deviendras un mâle beau et fort. Ne crains pas la concurrence de tes frères et sœurs.

Ses propos calmèrent Caëlurín mieux que tout ce que j'aurais pu faire ou dire. Le petit insista pour dormir avec lui, et je dus demander, gênée, à Lathelennil de rester pour la nuit. Ce dernier s'exécuta sans triompher de sa double victoire, faisant montre d'une galanterie insoupçonnée. Lorsque les enfants se furent endormis, c'est plutôt honteuse que je me rapprochai de lui pour qu'il s'occupe de ma future portée. En lui ouvrant mes bras, je me fis l'amère réflexion que, presque en tout point, il avait su remplacer Ren.

LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant