Confortablement installée sur un type de siège tout à fait inédit pour moi, qui me permettait de garder une position allongée sans perdre ma position d'observateur, je regardais avec un intérêt croissant les vacanciers exos et sapiens qui défilaient sur les îles opposées en tenue de bain : nekomats poilus, wê imberbes, humains cyborgisés, qui représentaient de loin la plus grande faction. À côté de moi, Ren lisait un bouquin, son panache frôlant ma jambe nue avec régularité et fausse négligence.
Lathelennil avait refusé de nous accompagner sur cette île artificielle : c'était trop lumineux pour son éminente noirceur. Je savais que Ren souffrait aussi du soleil, mais il l'appréciait : du reste, il portait une tenue de bain couvrante et moulante qui ne laissait dépasser que sa queue de fourrure, l'extrémité de ses pieds, ses mains et son visage.
En dépit de sa grande taille, de ses cheveux d'un blanc électrique, de ses yeux sans pupilles apparentes, de sa queue et de sa peau grise, Ren attirait peu l'attention parmi l'assemblée hétéroclite et fortement cybermodifiée du vaisseau de croisière. Lathelennil jurait beaucoup plus. On ne pouvait pas dire que c'était un roi de l'infiltration.
— Marrants, ces oreilles pointues et ces yeux tout noirs ! Z'êtes de quelle race ? Un genre de lutin géant de l'espace ? s'était enquis un humain un peu trop curieux dès le premier soir, lors du repas pris en commun dans le complexe hôtelier de notre île, où nous étions retrouvés à dîner avec de parfaits inconnus.
— Je suis un prince ædhel, avait sifflé Lathelennil en réponse. Lathelennil Niśven, deuxième dans la ligne de succession au trône d'obsidienne de Dorśa !
L'homme l'avait regardé, peu impressionné.
— Ædhel ? Qu'es'que c'est ? Jamais entendu parler. C'est d'quel système ?
Lathelennil s'était redressé de toute sa hauteur, outré.
— Comment ? Cherche dans ta mémoire atavique, et tu te souviendras de la terreur et de la magnificence devant laquelle tes ancêtres courbaient le front, esclave !
Dieu merci, la maîtrise du Commun de Lathelennil n'était pas optimale : il le parlait avec un guttural accent dorśari qui rendait ses propos difficilement compréhensibles, lorsqu'il s'énervait. Mais c'était déjà bien qu'il accepte de le parler : la plupart des dorśari s'y refusaient tout bonnement.
— Et z'êtes prince ? continua innocemment l'autre. Z'êtes de la haute alors ! Pourquoi qu'on vous a pas mis à la table du commandant ?
Lathelennil n'avait pas su quoi répondre. Il trouvait déjà cette négligence offensante.
— Comment cela se fait-il qu'on ne soit pas à la table des chefs de ce navire, plutôt qu'avec une poignée de faux-singes de basse caste ? avait-il abruptement demandé en se tournant vers moi, comme si j'étais responsable de ce crime de lèse-majesté.
Ren lui avait jeté un regard blasé, tout en continuant à croquer son légume mariné.
— Parce que nous sommes là incognito, lui avais-je répondu. Personne ne doit savoir que tu es un noble prince ældien, Lathelennil.
Cette mention de sa « noblesse » l'avait calmé : cette technique marchait avec la plupart des organismes issus du système d'Ultar, particulièrement imbus de leur petite personne. Mais depuis la veille, on ne l'avait pas vu. Il avait dû se trouver une nouvelle distraction... ce qui, en soit, était inquiétant.
Songeant à cette disparition potentiellement problématique, je me tournai vers Ren. Je voulais savoir ce qu'il pensait du comportement de Lathelennil, et comment il comptait le gérer. Après tout, c'était lui qui avait accepté qu'il vienne. Si ça n'avait tenu qu'à moi...
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Science Fiction"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...