Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle Cristallin

I - Intrigue

10 février 1875 — Viridis

Épuisé, Talius entra dans son bureau, enleva sa cape noire et la jeta sur son bureau. Ses méninges tournant à vive allure, il verrouilla ses appartements et gagna son laboratoire privé. Assad l'avait invité à passer la nuit à Sultakara, tout comme ses autres confrères. Bien qu'il avait ardemment souhaité décliner l'offre, il n'avait pu se résoudre de partir aussi lestement, surtout que tous les autres rois restaient.

L'impatience et la frustration irritèrent plus d'une fois le roi de Viridis. Assad lui avait révélé qu'il avait contacté la Conférence Internationale et qu'il attendait une réponse de leur part pour monter un Conseil des Neuf. Dès lors, l'esprit de Talius n'avait cessé de tourner à allure maximale.

Talius alluma les lumières de sa salle secrète. Il passa devant les cellules mises culture avant son départ, y jeta un coup d'oeil indifférent et arriva devant une grande armoire remplie de bocaux contenant des substances visqueuses et d'autres ingrédients pour potions. D'un geste nerveux, il poussa le buffet, faisant renverser une fiole par terre qui se cassa en répandant tout son liquide par terre et se retrouva devant un pan du mur.

Psalmodiant de longues incantations, Talius délia les roches du mur et un passage secret se creusa. Il se baissa, entra dans l'obscurité du nouveau chemin et descendit les marches qui s'offrirent à lui. Finalement, il arriva dans une petite salle circulaire, centrée par un cristal oblongue brillant d'une verte clarté. Chaque fois que Talius le regardait, il sentait une vive angoisse le saisir pleinement.

Viridis... sauras-tu me pardonner ? J'ai bafoué les lois du cristal catalyseur, et aujourd'hui, le voilà fragilisé. Je ne regrette rien, mais...

La gemme était parcourue par de larges balafres noirs, et parfois, l'éclat verdâtre s'éteignaient presque, avant de briller à nouveau. Depuis son intronisation, la passion de la recherche qu'avait Talius le poussait à explorer tous les recoins de la magie. En s'aventurant dans les branches les plus obscures, il avait puisé la force nécessaire aux plus infâmes des sortilèges dans le cristal de son royaume, le mettant en danger.

— Le cristal de Viridis faiblit... mais je ne peux pas arrêter mes expériences ! cria Talius, les orbites fous.

Il se mit à tourner autour du cristal, réfléchissant à toute vitesse. Il y avait pensé longuement depuis qu'Assad avait mentionné la Conférence. Au vu des preuves qu'il détenait, il était tout à fait capable de...

— Si je continue, le cristal de Viridis se brisera pour de bon et les conséquences seraient terribles. On se plaint déjà depuis quelques mois des canicules qui s'abattent sur le royaume, alors que nous étions en pleine hiver. Je ne peux pas m'arrêter... Surtout avec un sujet d'expérience aussi intéressant que les Sorcières Hératerra !

Talius s'assit par terre et se maintint la tête avec ses mains. 
— Rah ! Il faut à tout prix restaurer le cristal de Viridis... Chaque six ans, la Conférence change de siège et est capable d'insuffler un surcroît de magie aux cristaux catalyseurs. Dans quelques mois, Sultakara héritera de la Conférence, et six ans après, Viridis aussi...

Talius se releva, livide.

— Je n'ai pas le choix... Je ne cherche pas à te porter préjudice, Assad, mais Viridis doit à tout prix se relever de cette mauvaise passe. Si je parviens à faire sauter le tour de Sultakara, Viridis pourra restaurer son cristal. Je pourrais alors travailler pour le salut de tous. Assad, la Conférence n'ignorera rien de ton Sortilège de Mort, ajouta le roi.

Son visage reprit le calme et le stoïcisme qui le caractérisait tant. Talius hocha la tête, comme s'il était parvenu à se persuader. Considérant l'affaire comme close, il remonta, sans même jeter un regard derrière lui. Les plaies cristallines l'effrayaient plus que tout.