VIII - Conférence Cauchemardesque - Partie 1

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08 mars 1875 — Adrastée

Bien loin d'Arkhess, dans les terres asservies de l'Adrastée, le royaume de Sultakara demeurait toujours en deuil. Les jours passaient, le temps s'écoulait, mais le chagrin persistait et la perte de la reine était aussi douloureuse qu'au premier jour. Le ciel lui-même semblait malheureux et ne cessait de déverser des averses de larmes sur les habitants, bien que la saison des pluies n'était pas encore arrivée.

Assad ne demeurait pas dans son royaume, cependant. Il était en route pour Assenass. Assis dans sa cabine privée du Saphir Bleu, il se tenait assis derrière son bureau, son regard éludant le large fauteuil de velours où Zahya aimait bien s'asseoir lors de leurs voyages.

Ce jour-là, les rois de Terhera se réunissaient au siège de la Conférence Internationale. Le roi de Sultakara avait tant attendu cette réunion ; il avait bataillé corps et âme pour obtenir une audience. Ce jour-là était aussi la première fois qu'il quittait son palais depuis la mort de sa chère épouse.

Assad s'adaptait très mal à son veuvage. Il n'y avait pas un jour sans que le roi n'aille se recueillir sur la tombe de Zahya, parfois seul, parfois avec Saphir, parfois avec l'un de ses amis. Il s'y rendait le matin, puis après le déjeuner, et enfin le soir avant de dormir.

L'humeur morne du roi déteignait sur son entourage et sur le pays. Sultakara n'était plus animée par la même force d'âme qu'auparavant. Les habitants vaquaient silencieusement à leurs occupations, la tête baissée, eux-mêmes touchés par la tristesse de leur roi. Assad n'avait plus fait aucune apparition publique depuis les funérailles.

On demeurait très triste de ne plus le voir se promener dans les rues de la capitale avec sa suite et à aller directement à la rencontre de ses sujets. Outre ses devoirs de roi, Assad passait le plus clair de son temps auprès de sa fille. Son quotidien avait radicalement changé, aussi il ne pouvait plus se permettre de rendre visite à son peuple. Et puis, le coeur n'y était pas.

Le roi se leva et s'approcha du grand hublot qui donnait vue sur le ciel menaçant sous lequel son vaisseau naviguait.

Il pleut aussi, aujourd'hui.

Les gouttes d'eau filant lentement sur la lucarne, Assad repensa à cette triste journée. Comme un malheur n'arrivait jamais seul, une nouvelle tragédie avait frappé la famille royale sultakaroise.

☾☾☾

Courant février 1875 — Sultakara

— Votre Majesté ! Votre Majesté ! Votre Majesté ! hurla une voix stridente.

Les yeux ensommeillés et l'esprit embrumé, Assad se réveilla en sursaut.

— Que...

La porte s'ouvrit à la volée et une affable dame entra en courant, le visage affolé. Il rabattit sa couverture sur son torse nu et grinça :

— Que faites-vous ici ? Vous n'avez...

— La princesse... haleta-t-elle, la princesse !

Assad cligna des yeux stupidement et reconnut soudainement la femme de chambre de sa fille. Sautant immédiatement hors de son lit, il attrapa le premier vêtement à portée de main et sortit de ses quartiers, la servante à ses talons. Il n'avait même pas pris le temps de se chausser et parcourait les couloirs froids du palais jusqu'aux appartements de la princesse.

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant