XXVII - Hauts les Coeurs ! - Partie 1

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21 août 1875 — Sultakara

Très tôt ce matin-là, alors que le soleil n'avait pas encore pointé son premier rayon, Assad et ses amis s'étaient réunis dans la Salle des Miroirs. Personne ne manquait à l'appel.

Assad demeurait debout. Ses nerfs cogitaient si furieusement qu'il était incapable de s'asseoir, ressentant constamment le besoin de se déplacer et de décharger le trop plein d'énergie qui fourmillait dans ses membres. Ses amis n'attendaient que son signal pour lancer la réunion. Il s'attela à regarder chacun d'entre eux, imprimant les moindres détails de leur visage sur sa rétine.

Grenat, jamais délestée de son élégance naturelle, était assise en amazone sur sa chaise. Sa cuirasse militaire était rehaussé au dos par l'emblème sultakarois. Son oeil unique lisait rapidement les quelques lignes d'un rapport écrit par Shems. Ce dernier, très digne et très sérieux dans son armure d'argent lustrée au point de refléter les objets environnants telle une glace, se tenait près d'elle en lui murmurant des paroles qui venaient appuyer son écrit.

Plus loin, le regard toujours aussi glacial, Amèrius était assis à califourchon sur une chaise. L'air patibulaire, ses bras croisés sur le dossier soutenaient sa tête. Il semblait n'avoir qu'une envie : en découdre. À ses côtés, dans son pourpoint de jeune prince, Fenrir astiquait son épée d'un air absent, pleinement concentré sur sa besogne.

À l'opposé, les doigts de Néalia tambourinait sur la table à un rythme régulier. Pâle, c'était là pour elle un moyen de dissiper l'angoisse qui la saisissait. Elle s'était délestée de ses habituelles robes royales, préférant une tenue plus pratique au combat. Malgré son grand âge, elle avait tenu à participer à la bataille. Près d'elle, assis sur une pile de livres, eux-mêmes dressés sur sa chaise pour parer sa courte taille, Aswad élaguait les imperfections de sa baguette magique en coupant d'une dague les échardes et autres crevasses qui s'étaient formés avec le temps.

Enfin, juste en face d'Assad, il y avait Saphir. Son regard était d'une lucidité sans précédent. L'absence des derniers mois dissipée, elle renaissait telle une fleur à l'arrivée du printemps. Des cendres de la tristesse, elle déployait comme un phénix ses larges ailes embrasées de la flamme du courage et de la force. Assad avait été étonnée de sa rapidité à se reconstruire.

Mes amis... Nous réunirons-nous tous ensemble, encore une fois, après cette guerre ?

Il sentit un pincement au coeur. Assad craignait que l'un d'entre eux ne décède d'un coup fatal du camp adverse. Leur groupe déjà brisé une fois. Une seconde lui inspirait une franche terreur.

Il toussota légèrement pour attirer leur attention. Les regards dérivèrent instantanément vers sa personne. Fiers de certains, ceux inquiets mais déterminés des autres, tous n'attendaient que le moment fatidique pour infliger une terrible défaite à Lunera.

— Ceci sera la dernière réunion avant la bataille, mes amis. Dlavonine m'a envoyé une lettre, hier soir. L'armée d'Arkhess est en route. Selon lui, il faudrait huit à neuf heures de vol avant de rejoindre Sultakara.

Tous acquiescèrent.

— Cela nous laisse donc trois heures, traduit Assad, avant de les voir débarquer. Répétons donc notre stratégie afin que chacun comprenne bien son rôle. Grenat, Shems, appela-t-il. Qu'en est-il de l'évacuation de la population ?

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant