IX - Amitiés - Partie 1

12 4 0
                                    

08 mars 1875 — Arkhess

Alors que la sentence implacable de la Conférence s'abattait sur Assad, Ariès arpentait tranquillement les couloirs de son domaine. Ayant un peu de temps libre après le déjeuner, elle s'était extirpée de la compagnie de Solèna. Songeuse, la nouvelle reine se demandait ce qui pouvait bien se dire au Conseil des rois.

Shân devrait rentrer tôt demain matin, je dois l'intercepter avant que Solèna ne lui fasse un interrogatoire poussé...

Soupirant, Ariès s'approcha d'une grande porte vitrée qu'elle franchit. Une brise fraîche vint caresser sa nuque et les rayons froids du soleil se reflétèrent dans sa belle chevelure. Elle s'accouda sur le rebord du balcon et laissa son regard divaguer dans les jardins royaux en contrebas.

Ah... Je n'aurais jamais pensé retrouver un semblant de paix à Arkhess...

Ici, le temps semblait s'écouler différemment. Lunera était déjà venue dans ce haut-lieu six fois auparavant. Le creux dans son emploi du temps en début d'après-midi lui permettait de pareilles flâneries. La jeune fille se sentait revivre dans ce petit coin éloigné. Au-delà des buissons et des haies finement taillés, il y avait dans ce paradis verdoyant une délimitation spéciale, où s'étendait un grand terrain d'entraînement entouré de tribunes de pierre.

Chaque fois qu'Ariès se reposait sur cette balustrade ouvragée, elle voyait au loin Arkh et Akman en plein entraînement sur le terrain vague. Davantage qu'un combat, leur prestation était artistique. D'une ardeur peu commune, ils s'évertuaient à exceller face à l'autre. Les éclats de lumière, le sifflement de la hache d'Akman fendant l'air, la main leste d'Arkh maniant son sabre avec dextérité : elle avait l'impression d'assister à un spectacle de danse effrénée.

Ils restaient environ une heure, profitant eux aussi d'une pause méritée après leur demi-journée de travail. Ils étaient parfois rejoints par d'autres membres du château. Ce jour-là, c'étaient Aria et Sawse qui accompagnaient les généraux.

Le rôle de simple observatrice ne convenait plus à Lunera. Elle avait une furieuse envie de les rejoindre tant ils avaient l'air de bien s'amuser. Et puis, il fallait le dire, leur compagnie lui était fort agréable. Chaque fois que la reine rassemblait suffisamment de courage pour aller les bénir de sa présence, elle se ramollissait aussitôt et se contentait de rester se morfondre sur le parapet tout en maudissant sa faiblesse.

— Ah, Dame Ariès, je vous cherchais. Que faites-vous ici ?

Lunera reconnut la voix de sa ministre et se retourna.

— Je voulais vous poser une-

— Solèna, savez-vous manier cette lance ? l'interrompit la reine.

Lunera se permettait désormais de l'appeler par son prénom. Au fil des maigres jours qu'Ariès avait passé entre les murs du palais d'Arkhess, la reine avait appris à apprécier cette chère Solèna comme elle l'appelait affectueusement dans ses pensées. Administrant le royaume ensemble, Ariès passait le plus clair de son temps en sa compagnie. La ministre ne tarissait pas en conseils. Quoique froide parfois, elle n'en était pas moins aimable. Solèna n'en pensait pas tant.

— Parce que vous pensiez que cette hallebarde était là pour faire joli ? répondit-elle d'un ton cassant. Une décoration peut-être ?

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant