XXXII - Disgrâce - Partie 2

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  Déchirée par la défaite, l'armée d'Arkhess remontait le grand boulevard silencieusement. Les chevaliers et les officiers avaient la tête baissée, honteux de revenir vaincus et avec autant de morts. Partout, des murmures horrifiés s'élevaient : on ne comprenait plus rien ! Que s'était-il passé ? Pourquoi une telle boucherie ?

Le peuple s'étonna de ne pas voir la reine mener la marche. Celle-ci se tenait en retrait, agrippée à la ministre du royaume, blêmes toutes les deux. Morte de honte, l'échine courbée, elle avait l'air terrassée et n'osait même pas croiser le regard de ses sujets. La maire de la capitale se tenait près d'elles également et venaient derrière plusieurs rangées de soldats.

Derrière encore, les convois des blessés et des morts fermaient la marche. Ceux sur les toits se penchaient dangereusement en avant pour constater l'ampleur des dégâts. Le nombre de victimes était vertigineux, les cadavres s'entassaient dans les caisses de bois tandis que les blessés - écorchés, brûlés, estropiés - étaient pris en charge par les médecins : Arkhess était tombé dans son propre piège.

En fait, c'était Akman qui menait la marche. Le visage empreint d'une profonde tristesse, il avançait en tenant le cadavre de son propre frère dans ses bras. Le général avait rabattu son capuchon sur le visage d'Arkh. Ce corps mort attira aussi l'attention du peuple, cherchant à identifier qui ça pouvait bien être. Le retour de l'armée semblait s'improviser en procession mortuaire.

Soudain, une femme se détacha des rangs et s'avança en plein milieu, coupant net la remontée des troupes. Akman s'arrêta, posant sur elle un regard éteint. Alarmée, elle se mit à pleurer, implorante :

— Mon fils ! Je ne vois pas mon fils ! Où... où est-il ? S'il vous plaît.

— Si vous ne le voyez pas... commença Akman, la voix rauque.

Sa voix tout entière emplissait les rues, brisant le silence sépulcral qui y régnait. Tous étaient accrochés à ses lèvres, n'attendant que la suite de sa phrase. Confirmeraient-ils leurs craintes ? De son côté, Lunera était si angoissée qu'elle en tremblait presque.

— ... alors, il a sûrement péri, conclut enfin le général, d'un air sombre.

Choquée, la petite dame plaqua ses mains sur sa bouche, des larmes coulant à flot sur ses joues ridées.

— Il n'est que l'une des innombrables victimes de cette guerre, poursuivit Akman, son sang commençant à s'échauffer. Non... ! De ce massacre ! Une catastrophe sans précédent !

La femme perdit l'équilibre et tomba agenouillée devant le général. Elle se mit à hurler la peine dévorante qui lui consumait le coeur. Ses sanglots déchirants auraient brisé les coeurs les plus durs. Pris de pitié, quelques personnes se détachèrent de la foule et vinrent aider la dame à se relever pour l'emmener plus loin.

— La perte d'un être cher... reprit Akman. C'est comme des flèches incandescentes qui vous transpercent en plein coeur... Je vous comprends...

Sa voix se brisa. D'une douceur extrême, Akman releva le capuchon de son frère d'un geste, dévoilant son identité aux yeux d'Arkhess. Là, les cris et les exclamations d'effroi de tout ceux présents vinrent rejoindre ceux de la pauvre femme qui pleurait la perte de son fils. Le décès d'Arkh était comme un coup de massue sur la tête des arkhasiens ; on ne comprenait pas comment une véritable étoile des forces arkhasiennes puisse être tombé au combat. Une telle mort ne pouvait qu'appuyer les propos d'Akman qui appelait au désastre. Sa simple voix surplomba les milliers qui s'affolaient autour de lui.

Terreur Lunaire - Livre 2 - Geôle CristallinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant